Éditorial

 De la réalité des institutions de contrôle en Haïti

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L’incurie de nos institutions dédiées au contrôle des dépenses publiques participe grandement à maintenir Haïti dans la catégorie des États faillis. En sus d’ouvrir un boulevard aux actes de corruption à grande échelle au sommet de l’administration publique sans omettre les cas courants de détournement, de malversation et de gabegie. C’est un fait indéniable, avéré.

Plus de deux siècles après les balbutiements de l’administration publique haïtienne, tracés par Joseph-Balthazar Inginac (à qui le père de la Nation Jean-Jacques Dessalines avait confié la mission de jeter les fondations de l’administration publique du jeune état au lendemain de la geste de 1804), les institutions étatiques de contrôle n’ont jamais — sinon épisodiquement — joué à fond leur rôle d’audit et de contrôle de la gestion des fonds publics. Bon nombre de scandales de corruption auraient ainsi pu être évités si le travail de contrôle était effectué en amont de l’exécution des projets mobilisant de grands débours du Trésor public.

 Au-delà de cette hibernation quasi-permanente, la société civile haïtienne éprouve encore du mal à faire montre d’efficacité dans sa mission de vigie, de “watchdog”, de documentation  de possibles cas de mauvaise gestion et de détournements de deniers publics. L’absence d’une loi garantissant l’accès à l’information n’aide pas non plus.

Toutefois, les rares tentatives de contrôle a posteriori — comme c’est le cas pour le dossier Petrocaribe — justifient pleinement l’urgente nécessité pour les institutions de contrôle et d’audit de ne pas baisser pavillon. Il y va non seulement d’un gage de bonne gouvernance mais surtout d’un indicateur de l’état de la santé de notre démocratie. Accéder au développement – de surcroît au développement durable – sans des institutions de contrôle des finances publiques fortes et indépendantes concourant à la bonne gouvernance relève presque de l’utopie.

Qui pis est, en l’absence du parlement, le pouvoir exécutif, en sa qualité de seul maître à bord, s’en est allé de son décret limitant les pouvoirs de contrôle de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA). Un fait est certain, dans l’état actuel des choses et tenant compte de la grande faiblesse légendaire de nos institutions, ce décret présidentiel a de fortes chances de causer plus de torts que de biens. À juste titre, ledit décret, ayant provoqué une levée de bouclier, supprime la capacité de la CSC/CA de paralyser ou empêcher la conclusion des contrats, accords et conventions et précise que les décisions du CSC/CA ne lient ni la Commission Nationale des Marchés Publics, ni les autorités du Pouvoir Exécutif, ni les ordonnateurs.

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