Éditorial

Démocratisation : la leçon dominicaine

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Chez nous en Haïti, depuis le retour à l’ordre démocratique post-86, l’économie se retrouve presque toujours captive de la politique. Que de tournants décisifs ratés, que d’opportunités et de progrès économiques galvaudés, faute de consensus d´une part, et en raison de la récurrence des différends politiques ; interminables car souvent traités sur le terrain, à défaut de clause compromissoire dans les accords politiques !

Entretemps, de l’autre côté de la frontière, nos voisins de la République dominicaine expérimentent, depuis un quart de siècle environ, une économie à forte croissance — également la plus forte de toute l’Amérique latine sur les 5 dernières années — découlant d’une stabilité politique éprouvée.

La date du 16 août 2020 est révélatrice du niveau de maturité atteint par le processus de démocratisation de la République dominicaine. Le Parti de Libération Dominicaine (PLD), au pouvoir sans discontinuer depuis 16 ans, a accepté de jouer le jeu démocratique et a respecté le choix du peuple dominicain, exprimé dans les urnes, en transmettant le pouvoir à l’opposition, sans rechigner.

L’alternance politique s’est opérée sans heurts ni fracas. Partisans, officiels et dirigeants du PLD ont reconnu et accepté leur défaite électorale que le Parti Révolutionnaire Moderne (PRM) leur a infligée à tous les niveaux, municipal, législatif et présidentiel.

À bien des égards, le carnet du peuple dominicain au PLD est très sévère. Mais, le PLD n’a pas à pâlir de son bilan. En huit ans de règne, le président Medina peut se targuer d’avoir mené la barque nationale de son pays à bon port, à en juger par ses réalisations dans le domaine de la santé, du tourisme, du commerce extérieur, etc.

Étant le seul véritable souverain, le peuple dominicain était en droit de réclamer, et de fait, a exigé beaucoup plus de ses dirigeants. Le peuple dominicain a donc estimé que la réduction de la corruption entrainerait l´augmentation de la création de richesses et diminuerait les inégalités sociales leur permettant ainsi de réduire la pauvreté qui, comme nous le savons, est un élément crucial des politiques de développement depuis des décennies.

Le peuple dominicain ne s’est pas contenté uniquement de dénoncer les actes de corruption. Grâce à une société civile organisée et activement structurée, il a fait choix de la rupture avec ce mal, endémique en Haïti. Dehors les vétérans du PLD ! Place à une nouvelle classe de politiciens modernes qui, faisant de la bonne gouvernance leur cheval de bataille, semblent être engagés dans la lutte contre la corruption. Ce changement radical dans cette République limitrophe d´Haïti s’est opéré dans une indifférence absolue de la part de la classe politique haïtienne, trop occupée à entretenir un dialogue de sourds depuis des années. Le pouvoir en place n’a en tête que le maintien de son mandat jusqu´au 7 février 2022 et, au-delà de cette date, la permanence de son règne le plus longtemps possible. Alors que l’opposition se mobilise pour porter la crise à son paroxysme, dans l´unique espoir de récupérer le pouvoir et instaurer une transition.

Et Haïti dans tout ça ?

Les leaders d’aujourd’hui, tout en demeurant accrochés aux usages surannés, pensent-ils vraiment faire aussi bien que la République Dominicaine ?

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