Développement durable

Développement des villes et autonomie financière à la lumière de l’ODD 11

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Le développement urbain durable figure parmi les objectifs de l’agenda 2030 les plus transversaux. Car, les villes offrent une panoplie de services et d’activités ayant des impacts directs sur des problématiques comme la pauvreté et l’exclusion sociale. Développer les villes tout facilitant leur accessibilité à tous, va nécessairement déboucher sur un monde plus ouvert et plus productif.

Selon l’ONU, le développement des villes doit en premier lieu passer par l’autonomie financière locale, c’est-à-dire que les villes doivent disposer de leurs propres moyens de fonctionner, tout en recevant des fonds suffisants et prévisibles des administrations centrales. Cela doit être aussi accompagné de la participation active des citoyens dans la gouvernance locale. L’un parmi les mécanismes par lesquels passera l’autonomie financière des villes est l’autonomie fiscale, cela signifie que les Etats doivent permettre aux villes de dégager plus de ressources propres pour préparer l’avenir. Donc, en plus des transferts, les villes doivent disposer de l’ensemble des leviers budgétaires possibles: revenus fiscaux, recettes des services publics et emprunts (bancaire ou obligataire), pour qu’elles puissent connaitre un meilleur développement.

La participation des citoyens dans la gouvernance locale est indispensable pour le développement durable des villes. Ce mécanisme est appelé plus techniquement contrôle vertical, c’est-à-dire que les citoyens veillent au bon fonctionnement des finances publiques locales et recourent à des audits, notamment social, pour vérifier si effectivement les responsables sont redevables. C’est ainsi que l’Agenda d’Action d’Addis-Abeba (AAAA), conclu en 2015 dans la capitale éthiopienne, invite les bailleurs de fonds et les experts en développement de l’international à changer de paradigmes. Désormais, les mécanismes de développement doivent passer par l’action des populations locales. Ces dernières ont non seulement une meilleure connaissance de leur réalité mais elles subissent aussi directement les impacts des décisions prises pour améliorer leurs communautés.

Il est donc important pour les dirigeants municipaux de planifier la croissance des villes et garantir aux habitants l’accès aux services essentiels. En effet, selon la Banque mondiale, plus de la moitié de la population mondiale vivent dans les villes. D’ici 2045, le nombre des citadins devraient atteindre 6 milliards, donc sur chaque 10 personnes 7 vont vivre dans les villes. Celles-ci sont d’une grande importance pour l’économie mondiale. En 2018, plus de 80% des richesses créées dans le monde l’ont été dans les villes. L’urbanisation donc, est un facteur de productivité et de compétitivité majeur. Cependant, une urbanisation galopante s’accompagne de nombreux défis, comme l’accroissement de la demande de logements, de réseaux de transport, de communication etc… cela demande un véritable plan d’urbanisation, afin de contrôler les dérives qui peuvent surgir sous l’effet de la concentration des gens.

Selon l’ONU-Habitat, les bidonvilles représentent l’un des grands enjeux pour les gouvernements partout dans le monde. En 2018, la part de la population mondiale vivant dans un bidonville est de 1 milliard, dont 100 millions soit 10% vivent dans des taudis. Si rien n’est fait pour contrer ce problème, d’ici 2050, la population des bidonvilles va atteindre 3 milliards de personnes. Les gouvernements montrent un certain laxisme car, entre 2015 et 2018, c’est-à-dire durant la période de la signature de l’agenda d’Addis-Abeba jusqu’aux dernières statistiques en date, la population des bidonvilles a augmenté de 75 millions de personnes.

Focus sur Haïti

Le développement d’Haïti doit nécessairement passer par le développement de ses villes. Jusqu’à aujourd’hui, le pays ne dispose d’aucune ville moderne qui répond aux exigences en termes d’infrastructures et de technologie du monde actuel. Port-au-Prince, la capitale du pays, voit sa situation se dégrader chaque jour, et c’est le même constat pour certaines villes, dont la deuxième des villes haïtiennes, Cap-Haïtien. Le faible niveau de développement des collectivités locales participe à l’augmentation des bidonvilles, cela influe sur la criminalité, le banditisme et le vol. Malgré le fait que la constitution de 1987 institue l’autonomie financière des collectivités, par le biais de la décentralisation, dans les faits, il existe une forte concentration des ressources au niveau de la zone métropolitaine.

En Haïti, les communes ne collectent pas assez de recettes fiscales pour financer des projets de développement. Selon l’Association Nationale des Maires Haïtiens (FENAMH), la performance fiscale des villes haïtienne est très mauvaise, il y a chaque année d’énormes manques à gagner. Les communes perçoivent la majorité de leurs recettes fiscales à partir de la Contribution Foncière des Propriétés Bâties (CFPB) et la Patente. La FENAMH a établi en 2018 que 95% des recettes communales sont collectées par seulement six communes: Delmas, Port-au-Prince, Pétion-ville, Tabarre, Carrefour, Cité-soleil, et Croix-des-Bouquets. Donc, les autres communes restantes collectent 5% des ressources fiscales. La situation peut être mieux illustrée si nous prenons les cas particuliers des communes comme la Chapelle et Chansolme, qui réalise zéro gourde sur la patente en 2015. Elles dépendent totalement des transferts du ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT). Le graphique suivant présente pour 2015, les 10 communes les plus riches du pays.

Nous constatons donc que les communes en Haïti prélèvent de faibles niveaux de recettes fiscales, toujours inferieurs à 10 millions de dollars US. Dans un contexte d’expansion démographique, donc d’accroissement des besoins des populations, ces niveaux de recettes fiscales sont insuffisants pour répondre aux besoins des collectivités. Ces mauvaises performances ont pour cause les faibles capa- cités des administrations locales ou les mairies à prélever des droits et taxes sur les activités, le secteur informel et le refus systématique de la population haïtienne de payer ses taxes. Des efforts doivent être consentis tant au niveau des autorités fiscales centrales et communales, mais les citoyens doivent aussi payer ce qu’ils doivent afin de construire des communautés fortes et durables en Haïti. Le pays est constitué de plusieurs bidonvilles, qui sont des localités dépourvues de services sociaux de bases. En 2009, la population de Port-au-Prince était de 2 000 0000 habitants, dont 1 800 000 vivaient dans des bidonvilles (au nombre de 357).

Dans le domaine du transport en Haïti, il existe de grands problèmes de congestion et d’inaccessibilité, surtout pour les pauvres. Selon la Banque mondiale en 2018, le transport urbain dans le pays est très lent. Une très grande partie de la population a du mal à accéder aux villes par le biais d’un véhicule en raison des coûts de transport trop élevés. Du coup, une très grande partie de la population marche à pied pour se rendre dans les villes. Haïti, environ 5 ans de cela, soit en 2012, 54% des ménages n’utilisaient aucun type de transport. Le transport motorisé est dominé par les Tap-Tap à Port-au-Prince. Le coût unitaire d’une course en Tap-Tap, est de 0.07 US par kilomètre, ce qui représente 0.35$ pour une course de 5 Km. Cela fait que les plus pauvres consacrent entre 25 à 73% de leurs budgets au transport, ce qui constitue un grand obstacle pour eux et un facteur de vulnérabilité.

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