Développement durable

Éducation de qualité : Haïti a-t-elle une chance d’atteindre l’ODD 4 ?

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Le concept d’éducation inclusive se réfère à une approche éducative qui tient compte des besoins particuliers en matière d’enseignement et d’apprentissage de tous les enfants et jeunes gens en situation de marginalisation et de vulnérabilité: enfants vivants dans les rues, filles, groupe d’enfants issus de minorités ethniques, de familles démunies financièrement, de familles nomades, des familles déplacées (victimes de guerres, de catastrophes naturelles etc…) enfants atteints du VIH/sida, enfants handicapés. L’éducation inclusive a donc pour objectif d’assurer à ces enfants l’égalité des droits et des chances en matière d’éducation.

Le problème de l’éducation dans le monde

A travers le monde, particulièrement dans les pays en développement, l’accès à l’éducation voire à une éducation de qualité est difficile. Selon l’ONU (2018), 265 millions d’enfants, d’adolescents et de jeunes (un sur cinq) ne sont pas actuellement scolarisés et 22% d’entre eux sont en âge de fréquenter l’école primaire. Cependant, il faut noter que de grands progrès ont été effectués ces dernières années. Les savoirs de base ont progressé de manière spectaculaire mais pas assez pour atteindre les Objectifs de l’agenda 2030. Les inscriptions dans l’enseignement primaire dans les pays en développement ont atteint 91%, mais 57 millions d’enfants n’ont pas accès à la scolarité. La région de l’Afrique Sub-saharienne, qui est la région la plus pauvre et la plus instable du monde, regroupe la moitié des enfants qui ne sont pas inscrits à l’école. La stabilité politique et la paix sont deux éléments importants pour l’éducation. L’ONU a ainsi estimé que 50% des enfants en âge de fréquenter l’école primaire, et qui ne sont pas scolarisés, vivent dans des zones touchées par un conflit.

L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), à travers son institut de statistique (ISU), a mis en évidence les différences qui existent entre les taux d’enfants non scolarisés dans les pays les plus pauvres et ceux des pays les plus riches. Les taux d’enfants non scolarisés du second cycle secondaire s’élèvent à 59% dans les pays à revenu faible du monde contre à peine 6% dans les pays à revenu élevé. L’ISU a remarqué que les pays qui ont le plus grand taux d’abandon scolaire sont aussi parmi les plus pauvres.

10 faits et chiffres sur l’ODD #4

Le taux d’inscription scolaire dans l’enseignement primaire au niveau des pays en développement a atteint 91% en 2018.
64 millions d’enfants en âge primaire ne sont toujours pas scolarisés, dont plus de la moitié en Afrique subsaharienne.
–              Environ la moitié des enfants non scolarisés en âge de fréquenter l’école primaire vivent dans des zones touchées par un conflit.
103 millions de jeunes dans le monde manquent de compétences de base en lecture et en écriture, et plus de 60% d’entre eux sont des femmes.
A l’échelle mondiale, 6 enfants et adolescents sur 10 n’atteignent pas un niveau minimum de compétence en lecture et en mathématiques.
Le taux net de scolarisation est de 84% en Haïti selon l’EMMUS VI.
L’offre scolaire en Haïti est dominée à 90% par des écoles privées. C’est une situation est très rare dans le monde, tenant compte que l’éducation est un secteur avec de fortes externalités positives que les pouvoirs publics doivent subventionner.
En 2016, les écoles publiques représentaient seulement 6.42% de l’offre totale au niveau préscolaire. Ces taux sont de 15.07% et 5.49%, respectivement au niveau fondamental et secondaire.
Parmi 257 884 des enfants de 6 à 18 ans sont en dehors de l’école ; 96 275 (37.4%) sont en milieu urbain et 161 501 (62.6%) en milieu rural.
L’offre d’école publique est limitée en Haïti. Selon les données du recensement scolaire de 2010/2011, 12% seulement des 17,076 établissements scolaires en Haïti sont publics, et ils accueillent 22% des élèves du primaire et 27% des élèves du secondaire.

Focus sur Haïti

En Haïti, le problème de l’accès à une éducation de qualité, susceptible de bien positionner les enfants et les jeunes par rapport aux mutations des sociétés à travers le monde, reste un problème d’ordre national. Sur le plan historique, la société haïtienne a toujours été caractérisée par différents types d’écoles qui dispensent des formations différentes, ce qui renforce les inégalités dans le pays. Les nobles et rares tentatives de réforme au niveau du secteur de l’éducation en Haïti n’ont pas vraiment réussi. Ce fut le cas par exemple dans les années 80 de la réforme tentée par l’instituteur et ministre Joseph C. Bernard, connue sous le nom de la réforme Bernard. L’un des principaux objectifs de la réforme Bernard était la dissolution d’une école à double où plusieurs vitesses afin d’offrir une même éducation haïtienne et moderne à tous les enfants.

Les dépenses publiques mobilisées pour le fonctionnement du secteur de l’éducation en Haïti occupent toujours une grande, sinon la plus grande part des dépenses totales de l’État chaque année. Toutefois, il y a un manque significatif d’infrastructures et de personnels scolaires qualifiés pour assurer une éducation de qualité en Haïti. Selon le recensement scolaire de 2010-11 (qui est le dernier en date), 94% des élèves inscrits dans des programmes préscolaires, 78% des élèves du primaire et 73% des élèves du secondaire fréquentent des établissements non publics. La grande majorité, soit 90% de l’offre scolaire en Haïti est privatisée, ce qui contraste avec la situation des pays les plus développés comme ceux de l’OCDE, où la quasi-totalité des écoles sont publiques. La privatisation d’un bien aussi précieux entraîne des coûts élevés pour les familles haïtiennes. La Banque mondiale en 2015 a établi que les frais de scolarité vont de $127 US pour la première année à $180 pour la 6ème année, même dans plusieurs quartiers déshérités. L’éducation étant un domaine avec de fortes externalités positives pour l’ensemble de la société, les subventions de l’État dans un tel secteur est une condition sine qua non à son plein rendement.

Si nous nous intéressons aux dix dernières années, nous pouvons constater dans le budget national que près de 18% des dépenses totales sont allouées au secteur de l’éducation. En moyenne, dans les pays de la région Amérique latine et Caraïbes, ce taux est de 20%. Selon la Banque mondiale, plus de 200 000 enfants ne sont pas scolarisés en Haïti en 2016. En dépit des progressions réalisées depuis quelques années. En effet, selon l’EMMUS VI, des progrès considérables au niveau du taux net de scolarisation ont été effectués en Haïti entre 2000 et 2017, ils sont traduits par une augmentation de plus de 10% tous les 6 ans. Le taux d’inscription globale se situe pour sa part à 90%.

Selon la Banque mondiale, la majorité des enfants en âge d’aller à l’école sont à présent scolarisés. La majorité des enfants d’âge préscolaire (1-6 ans) et 90% des enfants en âge d’aller à l’école primaire sont scolarisés.  Le  cycle  primaire  du  système  de l’enseignement restait, en 2016, toujours inefficace car les enfants commencent leurs études primaire deux ans plus tard que l’âge officiel, et seulement 60% parmi eux atteignent le deuxième cycle. Selon une étude menée par le Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) et l’Organisation des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) sur la situation des enfants non scolarisés en Haïti, il y a 5% des 250 536 enfants de 5 ans qui ne fréquentent pas l’école. De plus, 18% des 1 454 880 enfants âgés de 6-11 ans et 9% des 700 163 enfants de 12-14 ans (64 063) sont exclus de l’école. Ce constat est d’autant plus remarquable pour les filles. La Banque mondiale a établi que les filles et les garçons sont scolarisés à des taux à peu près similaires jusqu’à l’âge de 14 ans, après quoi les filles commencent à quitter l’école dans des proportions plus élevées que les garçons.

A l’instar du secteur de la santé, de fortes disparités sont constatées dans le fonctionnement de l’éducation à travers les différentes régions du pays. Par exemple, les évaluations effectuées dans des écoles des départements de l’Artibonite et des Nippes montrent qu’un élève moyen de troisième année ne peut lire que 23 mots par minute, soit un rythme bien inférieur à celui de 35 à 60 mots à la minute exigé pour la compréhension d’un texte de base. Nous pouvons aussi traduire ces disparités par le nombre d’enfants de 6 à 18 ans en dehors de l’école selon le MENFP en 2016. Parmi 257 884 enfants de cette tranche d’âge qui sont en dehors de l’école, 96275 (37.4%) sont en milieu urbain et 161 501 (62.6%) en milieu rural.

En 2018, dans son plan décennal d’éducation et de formation (PDEF), le Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) a procédé à une cartographie des écoles en Haïti. Le ministère a repéré qu’au niveau préscolaire, il y a 11 750 centres et classes qui sont repartis sur le territoire national accueillant 62% des enfants de la tranche d’âge 3 à 5 ans. Malgré une augmentation continue du nombre d’établissements scolaires en Haïti, l’offre scolaire publique a été toujours en 2016 très faible pour répondre à ce besoin fondamental. En effet, la proportion des écoles publiques par rapport à l’offre totale varie suivant le niveau d’enseignement considéré: 6.42% au préscolaire, 15.07% au fondamental et 5.47% au secondaire. Tout cela montre que de grands efforts restent à faire pour atteindre l’objectif du développement durable 4, qui revêt d’une importance colossale pour un pays comme le nôtre.

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