Développement durable

En finir avec la féminisation de la pauvreté ! 

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En organisant le Forum des femmes au Cap-Haitien, le conseil d’administration de la Banque de la République d’Haïti (BRH) et le Comité pour l’inclusion financière ont rendu un hommage mérité à la créativité, à l’esprit d’entreprise et à la diversité dont sont capables ces « Poto mitan » qui soutiennent l’économie aussi bien dans cette région que dans le reste du pays. De la transformation de produits agricoles du terroir, à la fabrication de cosmétiques de toutes sortes, en passant par la récupération de déchets plastiques, les femmes ont exposé durant deux jours l’essentiel de leurs productions.

Le Forum a permis, entre autres, aux femmes d’échanger entre elles, de prendre part à des ateliers de formation, à des panels de discussions, des séances de réseautage, aussi bien en présentiel qu’à travers les réseaux sociaux et les plateformes en ligne les plus populaires. Les débats ont consacré le rôle majeur des femmes dans l’économie réelle et se sont focalisés sur l’appel pour en finir avec la féminisation de cette pauvreté endémique surtout en Haïti où les statistiques révèlent que les femmes sont majoritaires, car 51% de la population âgée de 15 ans et plus sont des femmes.

Comme l’a signalé le gouverneur de la BRH, Jean Baden Dubois, les données de l’enquête FinScope de 2018 ont confirmé que 75 % de ces femmes vivent d’emplois précaires ; seulement 9% sont bancarisées, et environ 75% n’épargnent pas et n’investissent pas. Ces données laissent présager que l’exclusion financière des femmes constitue alors un des éléments contribuant à ce qu’on appelle la féminisation de la pauvreté en Haïti.

Le gouverneur de la Banque centrale a reconnu que la contribution des femmes dans les différentes sphères d’activités du pays se retrouve souvent noyée dans les statistiques nationales. Pourtant, la collecte d’indicateurs désagrégés est importante pour cerner les problèmes d’inégalité de genre, de répartition de la richesse et pour sensibiliser les institutions sur leur engagement à jouer leur participation dans la résolution de ces problèmes.

Par ailleurs, le numéro un de la Banque des banques a informé que l’organisation du Forum des femmes s’inscrit dans une perspective de reconnaissance, en plus du support de son institution au renforcement de l’infrastructure financière. La BRH a mis en œuvre des programmes spécifiques (programme pro-croissance) en vue de promouvoir certains secteurs productifs clés à forte valeur ajoutée et à fort potentiel, susceptibles d’avoir des retombées directes sur les activités économiques des femmes dont les activités économiques de nos «Madan Sara».

« L’Institut Haïtien de Statistiques et d’Informatique (IHSI) dans la quatrième enquête sur la mortalité, la morbidité et utilisation des services (EMMUS IV) estime que 49 % de la population active haïtienne sont des femmes qui entreprennent des activités agricoles », a relaté la ministre à la Condition féminine et aux Droits des Femmes, Ghiselaine Mompremier au moment de lancer le Forum des femmes au Cap-Haitien, le 20 mai 2021.

La titulaire du MCFDF a fait remarquer qu’elles sont chef de familles, et dans 46% des cas des familles monoparentales en milieu rural. Ghiselaine Mompremier qui a pris la parole pour mettre en relief la situation des femmes notamment celles vivant en milieu rural, particulièrement difficile, tout en précisant que leurs apports dans l’économie nationale sont extrêmement fondamentaux.

 Quasiment dans le même registre, la représentante d’ONU-Femmes en Haïti, Dédé Ekoué, a remis sur la table des chiffres de l’IHSI faisant état de seulement 50% de la population haïtienne ayant accès aux services financiers. De cette frange, les femmes sont encore plus exclues que la moyenne nationale. Et, pire encore, dans le cas des femmes vivant en milieu rural. 57 % des personnes vivant en milieu rural sont exclues des services financiers contre 44 % des citadins. Une situation, selon la représentante de l’organisme onusien, devenue aggravante avec la propagation de Covid-19.

Une enquête réalisée par Onu-Femmes et Care-Haïti sur l’impact de la Covid-19 montre que 3,8 % des femmes contre 15,2 % des hommes ont perdu leurs- activités génératrices de revenus durant la période de restrictions liée à la pandémie. Une baisse de 41,9 % dans les activités de l’agriculture et de la pêche a été observée dans cette enquête des deux institutions, de même qu’une diminution de 34,7 % des transferts venus de l’étranger. Tout en appelant les acteurs à s’impliquer davantage et à conjuguer leurs efforts, Dédé Ekoué dénonce une crise socio-politique multiforme, dont l’insécurité, qui accentue les inégalités hommes-femmes et met en péril l’autonomisation des femmes.

Le Forum des femmes- déroulé dans la ville du Cap-Haitien, les 20 et 21 mai 2021, autour du thème « Éducation et Autonomisation Financières : renforcer la résilience des femmes rurales »- a été une tribune pour plaider la cause des femmes, dénoncer le fossé creusé entre les deux sexes sur plan économique et, entres autres, une vitrine pour mettre en avant leurs productions et le grand potentiel qu’on leur connait.

DevHaiti