Haïti est exemptée de la taxe américaine de 10 % sur les textiles, ce qui soulage mais inquiète les syndicats

Le gouvernement haïtien a ressenti un immense soulagement à l’annonce que l’administration Trump ne soumettra pas les textiles exportés vers les États-Unis, sous les lois HOPE/HELP, à un prélèvement de 10 %. Selon le ministre de l’Économie et des Finances, Alfred Metellus, cette décision apporte une bouffée d’air frais à une industrie en difficulté et pourrait redonner un avantage concurrentiel à Haïti dans un contexte régional conflictuel.
« Nous avons reçu des documents indiquant qu’Haïti ne sera pas soumis aux 10 % de droits de douane », a confirmé M. Metellus au journal Le Nouvelliste, dimanche 27 avril, à la suite d’une réunion à Washington avec le responsable des négociations commerciales bilatérales et multilatérales. « C’est une excellente nouvelle », a-t-il ajouté avec un immense soulagement.
Cette exonération fiscale arrive à un moment crucial pour Haïti, alors que la loi HOPE/HELP – une législation américaine autorisant les textiles haïtiens à pénétrer le marché américain sans frais douaniers – arrive à expiration en septembre 2025. L’administration américaine a montré une ouverture pour le renouvellement de cette loi. Cependant, la décision finale sera prise par le Congrès, qui devrait se prononcer avant les vacances d’été.
Une opportunité dans un contexte régional tendu
Pour Alfred Metellus, cette initiative des États-Unis traduit une volonté d’établir « des accords commerciaux justes avec des pays proches de ses frontières », ce qui pourrait être bénéfique pour Haïti. « Cela nous donne un avantage sur d’autres pays qui subissent des taxes importantes », a-t-il soutenu, soulignant que le gouvernement haïtien a déjà mis en place des mesures pour soutenir les démarches en faveur du renouvellement de la loi.
Un budget de 500 000 dollars américains a ainsi été alloué pour soutenir l’Association des industries d’Haïti (ADIH) dans ses activités de lobbying à Washington. Treize missions y ont déjà été menées, d’après Golinsky Fatal, représentant de l’ADIH. « Je sais qu’il y a des efforts en cours. « Le gouvernement a aligné sa stratégie avec les entreprises du secteur », a assuré le ministre.
Les critiques des syndicats : l’envers du décor
Bien que la nouvelle soit bien accueillie par le gouvernement, elle est reçue avec plus de précaution par les syndicats. Yvel Admettre, président de la Confédération des travailleurs du secteur public et privé (CTSP), alerte sur les restrictions structurelles pouvant compliquer les bienfaits de cette exemption fiscale.
Lors d’une conférence-débat tenue le 1er mai au centre Lakay à Delmas 83, il a dénoncé la situation alarmante du secteur textile haïtien, caractérisée par une forte diminution du nombre d’emplois. « En 2025, moins de 21 000 ouvriers sont encore en activité dans les zones franches industrielles, contre plus de 60 000 en 2021 », a-t-il déploré. Une baisse qu’il attribue à « l’insécurité croissante et l’inaction politique face à la crise ».
Le dirigeant syndical reproche aussi à certains employeurs de compromettre le système en refusant de payer les cotisations sociales. « Le comportement irresponsable de certains chefs d’entreprise met en danger l’avenir de la loi HOPE en Haïti », a déclaré Yvel Admettre. « Beaucoup d’entre eux refusent de s’acquitter de leurs obligations sociales, affaiblissant toute perspective de redressement du secteur textile. »
Une menace persistante : l’impasse politique américaine
Malgré l’attitude favorable de l’administration Trump, le renouvellement de la loi HOPE/HELP reste incertain. « Le renouvellement dépend du Congrès », a reconnu Alfred Metellus. « Des ressources sont disponibles pour accélérer le processus d’ici l’été, et je dois souligner que ce n’est pas seulement le gouvernement qui agit », a-t-il insisté, mettant en avant les efforts conjoints des industries concernées.
Pour Yvel Admettre, cette incertitude est amplifiée par les tensions sociales et les problèmes de gouvernance locale. « Le climat de sécurité dégradé depuis cinq ans a sévèrement affecté les entreprises et les travailleurs », a-t-il précisé. Il craint que les conditions de travail et l’insécurité, qui ternissent l’image du pays, pèsent négativement dans les débats au Congrès américain.
Un avenir incertain malgré une victoire partielle
L’exemption de la taxe de 10 % est un acquis stratégique pour Haïti, mais elle ne résout pas les problèmes sous-jacents du secteur textile. Tandis que le gouvernement lutte pour faire renouveler la loi HOPE/HELP, les syndicats appellent à un réveil éthique et politique pour sauver une industrie en péril.
« Les exemptions ne suffisent pas. Il faut une politique cohérente qui protège les travailleurs, rétablit la sécurité et oblige les employeurs à respecter la loi », conclut Yvel Admettre. À l’approche de septembre, tous les regards restent fixés sur Washington, mais également à Port-au-Prince, où se joue une autre bataille : celle de la dignité au travail.