Haïti peut faire mieux des milliards de sa diaspora
Il est un fait indéniable que les transferts sans contrepartie constituent un apport économique considérable pour le pays. Véritable béquille d’une économie mise en lambeaux, ces flux, évalués aujourd’hui à environ 20% du Produit Intérieur Brut (PIB) d’Haïti, n’ont cessé de croître depuis plusieurs décennies.
Au fil des décennies, le pays a fini par développer une très forte dépendance de ces transferts sans contrepartie. Au moment où nous écrivons ces lignes, le pays ne peut plus se passer de ces fonds et s’en sert désormais comme bouée de sauvetage. Or, ces milliards de dollars américains de transferts ne sont que la pointe émergée de l’iceberg.
Si les billets verts pleuvent autant sur les ménages haïtiens, c’est parce qu’en grande partie le pays s’est vidé et continue de se vider de sa force de travail. Elle est partie ailleurs en quête d’une vie meilleure. En effet, ils sont des centaines de milliers de migrants haïtiens, en l’espace d’une décennie, à avoir mis le cap sur des pays sudaméricains à la recherche d’une main-d’œuvre jeune et bon marché. Ces membres de la diaspora latinoaméricaine, notamment ceux du Chili et du Brésil, ont sans aucun doute contribué à renforcer le poids de cette source de devises. Ils se sont joints à leurs pairs des pays traditionnellement émetteurs de ces flux, les États-Unis notamment, pour soutenir financièrement aussi leurs proches vivant dans des conditions souvent précaires en Haïti. Un acte de grande générosité en dépit du ralentissement économique relatif à la COVID qui a affecté les pays d’accueil des Haïtiens, et qu’il convient de saluer.
Sans ambages, la Banque de la République d’Haïti dans sa nouvelle publication sur la question affirme que la dépendance d’une strate considérable de la population aux transferts sans contrepartie reflète la dégradation de la situation économique et sociopolitique du pays observée ces dernières années. Cette dépendance traduit aussi l’échec avec un E majuscule de nos élites à créer les conditions nécessaires pour empêcher cet exorde massif vers d’autres cieux de notre force de travail et aussi cette fuite de cerveaux vertigineuse. Les élites de ce pays ont échoué à créer des emplois décents et à instaurer un climat de stabilité apte à attirer des investissements directs étrangers et à favoriser le développement de l’industrie touristique par exemple, à l’instar de nos voisins de la région.
Principale source de devises de l’économie haïtienne, les transferts de la diaspora constituent une contribution économique indispensable pour des dépenses liées à la consommation, l’éducation, le logement et la santé. À défaut d’être canalisés dans des secteurs d’activités porteurs et créateurs de richesses. Englué dans une instabilité sociopolitique chronique et une insécurité généralisée, le pays n’a pas su profiter pleinement de ces transferts qui ont connu une croissance importante à partir du début de la décennie 2000.
En attendant une meilleure redirection de ces flux, il n’est pas vain de rappeler que les montants reçus par Haïti sont supérieurs aux transferts publics, aux flux d’investissements directs et aux exportations. Ils impactent favorablement le solde courant de la balance des paiements en atténuant l’effet du déficit commercial.
Plus d’un siècle après sa parution, l’ouvrage du Dr Jean Price Mars, la vocation de l’élite, est plus que jamais d’actualité. Haïti doit faire mieux et peut faire mieux de cette manne qui, après tout, n’est pas intarissable. Une chose est sûre: Haïti n’y arrivera pas sans une implication effective de ses élites.
DevHaiti