Insécurité alimentaire : 48% de la population haïtienne dans le besoin d’une action urgente

De septembre 2022 à février 2023, quelque 19000 personnes sont estimées en catastrophe (phase 5 du cadre intégré de classification de l’insécurité alimentaire ou l’IPC). 18% de la population analysée, soit environ 1,8 million de personnes sont classées en phase 4 de l’IPC (urgence) et 29% (environ 2 900 000 personnes) en phase 3 (crise), soit 48% de la population dans le besoin d’une action urgente.
Selon la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA) qui a produit ce rapport, «pour la période allant de mars à juin 2023, pour laquelle aucune assistance alimentaire humanitaire n’a été confirmée, les personnes estimées être en catastrophe sont confirmées».
17% de la population analysée, environ 1 650 000 personnes, sont en phase 4 de l’IPC (urgence) et 30% (environ trois millions de personnes) en phase 3 de l’IPC (crise), soit 48% de la population dans le besoin d’une action urgente pour la période de projection. Parmi les 32 zones analysées dans la situation actuelle (octobre 2022 – février 2023), 15 se trouvent en phase 4 (Urgence).
Il s’agit principalement des zones du grand Sud affectées par le séisme du 14 août 2021 (4 parmi les 9 zones analysées), le haut plateau et ses prolongements dans le Nord, l’Artibonite, le Nord-Ouest, la Gonâve et 3 communes de la zone métropolitaine les plus affectées par les activités de gangs armés.
Presque dans tous les cas, il s’agit de zones de préoccupation identifiées lors de l’analyse de septembre 2021 (soit déjà classées en phase 4 soit classées en phase 3 mais présentant une gravité majeure avec plus 50% de la population en phase 3 ou pire dont la situation s’est détériorée.
Le pays connaît un ralentissement économique significatif depuis mi-2018. Les nombreux épisodes de «peyi lòk» entre autres ont impacté de façon significative le tourisme et ont conduit à la ferme- ture de nombreux établissements hôteliers.
Ces épisodes de blocage du pays et la situation sécuritaire imprévisible ralentissent les investissements en cours, notamment ceux du secteur privé ainsi que le petit commerce constituant la principale source de revenu pour une bonne partie de la population soit un ménage sur quatre (à peu près même importance que l’agriculture). En 2021, Haïti avait un PIB par habitant de 1 815 dollars, le plus bas de la région Amérique latine et Caraïbes et moins du cinquième de la moyenne des pays de la région qui est de 15 092 dollars. L’économie a connu en 2021 une contraction de 1,8%, ce qui représente trois années consécutives de contraction.
Selon les données de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI) repris par la CNSA, le taux d’inflation a dépassé la barre des 30% en juillet 2022 sur un an pour l’ensemble des produits de consommations alimentaire et non alimentaire, locaux et importés. Cette inflation a atteint un niveau jamais atteint depuis près de 20 ans. Plus spécifiquement, l’analyse d’août 2022 du panier alimentaire des denrées essentielles fait état d’une hausse d’environ 63% de sa valeur en glissement annuel; tous les départements ont dépassé la barre des 50% de hausse et certains ont atteint un glissement de près de 70% en rythme annuel.
Des précipitations inférieures à la normale dans plusieurs zones agroécologiques et la faible capacité des ménages ont globalement affecté la performance de la campagne agricole de printemps. Selon les données de l’ENSSAN 2022 (volet communautaire), les groupes de discussion ont rapporté des pertes de performance pour les tubercules, les légumineuses et les céréales, principales cultures des exploitants agricoles du pays.
Le tremblement de terre survenu le 14 août 2021 avait ravagé des zones entières dans les départements du Sud, des Nippes et de la Grand-Anse. Les dommages et pertes ont été estimés à environ 1,7 milliard de dollars dont 213 millions de dommages sur le secteur productifs comprenant l’agriculture, le commerce, l’industrie et les services financiers, et le tourisme (soit environ 13% des pertes et dommage).
La violence des gangs, a atteint des niveaux sans précédent dans la zone métropolitaine limitant la circulation des marchandises et des personnes. Ces violences ont poussé de nombreux ménages à fuir leur maison. Le nombre des personnes déplacées internes dans la capitale est d’environ 21 700 personnes (OCHA septembre 2021).
Encadré
Ce que sont l’IPC et l’IPC de l’insécurité alimentaire aiguë?
L’IPC consiste en une série d’outils et de procédures qui servent à classer le niveau de sévérité et les caractéristiques des crises alimentaires et nutritionnelles ainsi que de l’insécurité alimentaire chronique sur la base de normes internationales. L’IPC se compose de quatre fonctions qui se renforcent mutuelle- ment; chacune d’elles s’accompagne d’un ensemble de protocoles (outils et procédures) spécifiques. Les paramètres fondamentaux de l’IPC comprennent l’établissement d’un consensus, la convergence des preuves, la redevabilité, la transparence et la comparabilité. L’analyse IPC vise à fournir des indications pour la réponse d’urgence de même que pour la politique de sécurité alimentaire et la programmation à moyen et long terme.
Pour l’IPC (Integrated food security Phase Classification), l’insécurité alimentaire aiguë se définit par toute manifestation d’insécurité alimentaire dans une zone spécifiée à un moment donné et dont le niveau de sévérité menace des vies et/ou des moyens d’existence quelles qu’en soient les causes, le contexte ou la durée. Elle est très sujette aux variations, de même qu’elle peut survenir et se manifester au sein d’une population en un court laps de temps à la suite de changements brusques ou des chocs qui ont un impact négatif sur les déterminants de l’insécurité alimentaire.

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