Éditorial

Insécurité alimentaire : faut-il craindre le pire ?

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Qui ne se souvient pas de cette fable de La Fontaine « La cigale et la fourmi » apprise par cœur sur les bancs de l’école ? Au regard de la situation dans laquelle le pays patauge, cette fable datant de 4 siècles environ n’a jamais été autant d’actualité. Nous sommes devenus une République de cigales, alors que les fourmis, dépitées et laissées pour contre, mettent les voiles. A la décharge de nos cigales, l’été perdure toute l’année en Haïti.

Au-delà des statistiques officielles, 4,6 millions d’Haïtiens risquent de se retrouver en situation d’insécurité alimentaire d’ici mars 2022, c’est l’inca- pacité criante des dirigeants à apporter une réponse à la hauteur de la crise qui interpelle.

Des économistes se transforment en Cassandre pour lancer des cris d’alerte à tout va. Pas sûr qu’ils soient entendus par nos cigales tout occupées à réfléchir en comité sur l’organisation du carnaval début mars 2022. Si la situation n’était pas aussi dramatique, on en aurait ri volontiers, à gorge déployée.

Malheureusement, l’inflation, qui ronge le peu du pouvoir des achats des ménages, est là pour nous ramener à la réalité. Les mauvais chiffres du secteur agricole, chute de 4,1% en 2021 par rapport à 2020, conjugués notamment à l’explosion des prix du panier de la ménagère, sont des signes avant-cou- reurs censés nous rappeler l’année 2008 et son émeute de la faim.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, il y a quand même certaines opportunités au beau milieu de cette impasse, notamment celle de la relance de la production nationale. Si tant est que nos cigales cessent de faire la cigale pour se muer en fourmis et se mettre sans plus tarder au travail.

Mais, la conjoncture actuelle ne s’y prête pas, direz-vous? Et vous aurez tout à fait raison. Encore une fois, un rendez-vous manqué. Nous payons le prix de nos turpitudes. Le plus gros danger qui nous guette actuellement, outre cette grave crise de l’insécurité alimentaire, est l’instabilité politique. A l’heure actuelle, personne ne sait ce qui nous attend après le 7 janvier en matière de gouvernance. En revanche, nous savons à coup sûr qu’il va y avoir beaucoup plus de ventres affamés.

Un malheur ne venant jamais seul, Haïti se trouve à la croisée des chemins entre le climat et le prix des denrées alimentaires en hausse sur le marché international. Nous devrions être très attentifs à l’impact des extrêmes climatiques, l’autre tendance inquiétante. Le changement climatique «n’est plus un aperçu de l’avenir, mais la réalité quotidienne des communautés du monde entier», alertent le PAM et la FAO.

Pour ces deux agences onusiennes, le constat est déjà visible non seulement en Haïti, mais aussi en Afrique de l’Est, à Madagascar, au Mozambique, et récemment dans la région occidentale de Badghis, en Afghanistan. On se serait volontiers passé de ce classement peu reluisant. D’un autre côté, on ne l’a pas volé non plus. Ces dernières années, n’avons-nous pas été nos propres fossoyeurs ? Le moment est enfin venu de passer à la caisse, et la facture qui nous attend risque d’être très salée.

DevHaiti

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