Insécurité, crise du carburant et climat politique responsables de la croissance négative de l’économie en 2022

L’économie haïtienne est, depuis 4 ans, entrée dans un véritable cycle de décroissance à cause de problèmes tant naturels qu’humains. Les résultats vont de mal en pis et il semble que les pouvoirs publics ne disposent pas des remèdes nécessaires. En effet, après des baisses successives de 1,7%, 3,3% et 1,8% au cours des exercices 2019, 2020 et 2021 respectivement, le Produit Intérieur Brut (PIB), à prix constants, a diminué de 1,7% en 2022. La particularité de cette année est que, selon l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI), la décroissance est due uniquement aux problèmes socio-politiques.
Si l’on considère l’insécurité et le climat politique comme des maux structurels de l’économie haïtienne, la crise du carburant est un phénomène assez récent dont les impacts sont non négligeables. Le pétrole étant un produit transversal, sa rareté se fait sentir dans tous les domaines de l’économie, particulièrement sur les prix. En 2022, avec une crise de carburant constante, l’inflation a atteint des niveaux record avec des taux de croissance moyens et annuels de 27,6% et 38,7% en 2022, contre 15,9% et 13,1% en 2022, contre 15,9% et 13,1% en 2021.
Le dysfonctionnement avéré de l’économie a égale- ment provoqué davantage la chute de la gourde par rapport au dollar américain. Comme les canaux d’entrée de dollars sont bloqués ou perturbés, à savoir les transferts internationaux, les exportations et les investissements étrangers, la gourde chute. Le dollar américain a connu une augmentation annuelle moyenne de 32,1% du taux de référence de la Banque de la République d’Haïti (BRH), s’échangeant en moyenne à 107,1 gourdes en 2022 contre 81,1 gourdes en 2021. Dans un pays où la consommation est principalement assurée par les importations, cela a considérablement impacté le coût élevé de la vie.
Par ailleurs, les mauvaises performances de l’économie en 2022 peuvent aussi se faire remarquer au niveau sectoriel. Quasiment tous les secteurs, à savoir agricole, industriel ainsi que de services, sont au rouge. En effet, la branche agricole s’est contractée de 4.5% par rapport à l’exercice antérieur, les industries extractives ont connu une baisse de 4.1% tandis que la branche des services de base (production d’électricité et de l’eau) a diminué de 14%. La faible hausse de 1.7% constatée dans la branche de la manufacture n’est pas suffisante pour compenser la chute des autres branches et de l’économie en général.
Sur le plan de l’offre et de la demande globalement, la situation n’est toujours pas reluisante. L’offre globale, constituée du Produit Intérieur Brut (PIB) et des importations, est passée de 851,7 à 853,1 milliards de gourdes entre 2021 et 2022, soit une augmentation en volume de 0,2% par rapport à l’année précédente. Il est important de noter que cette augmentation est due en moyenne à celle des importations qui, à prix constants, ont progressé de 4,9%. L’analyse de la structure des importations montre que ce sont surtout les articles manufacturés (20.0%), les produits alimentaires (11.0%) et les combustibles minéraux (5.2%) qui ont été à l’origine cette hausse.
Au niveau de la demande globale, seules la Consommation Finale de l’Administration Publique et les exportations sont en hausse. Ces deux agrégats ont respectivement progressé de 18.66% et 2.37%. La Consommation Finale des Ménages a, pour sa part, chuté de 1%, en réalisant 648,8 milliards de gourdes, en terme réel, contre 653,4 milliards en 2021. L’IHSI attribue cette chute de la consommation des familles à la diminution des transferts sans contrepartie de la diaspora qui sont passés de 4,0 milliards de dollars US en 2021 à 3,78 milliards en 2022, soit une baisse de 6,6%.
D’autres agrégats de la demande globale comme la Consommation Finale des Institutions sans But Lucratif au Service des Ménages (1%) et les Investissements (10%), ont chuté en 2022. L’IHSI estime que la baisse de l’investissement est toutefois cohérente avec la baisse du montant global de l’investissement public, qui est passé en termes nominaux de 38,7 % à 28,0 % en 2021. On peut donc dire que selon les résultats de 2022, l’État haïtien consomme plus et investit moins.
Pour l’exercice 2022-2023, selon l’IHSI, il n’y a pas de grandes choses à espérer tant l’incertitude est élevée dans l’économie nationale. D’ailleurs, les goulots d’étranglement de 2021-2022 ont atteint des points culminants au cours du premier trimestre de l’exercice fiscal 2022-2023. Ceci est illustré par l’accélération de la hausse des prix à la consommation depuis octobre 2022 et l’accélération de la dépréciation de la gourde en décembre. L’exercice fiscal 2022-2023 est parti pour rentrer dans le cycle de forte inflation que connait l’économie depuis 4 ans.

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