Intelligence artificielle, jeunesse et PME : Haïti trace sa voie vers l’innovation
Dans un contexte global où l’intelligence artificielle (IA) redéfinit le travail, l’entrepreneuriat et l’innovation, plusieurs acteurs influents du développement économique haïtien se sont rassemblés pour une table ronde intitulée « IA, emploi des jeunes et compétitivité des PME ». Celle-ci s’est déroulée lors de la première édition du Sommet Ayiti IA qui s’est tenue le 27 juin 2025 à l’hôtel Karibe Convention Center. Cet événement, riche en discussions, a permis de jeter les bases d’une réflexion nationale sur la manière dont Haïti peut, et doit, se positionner dans ce secteur technologique en pleine croissance.
Marc Alain Boucicault : Haïti doit créer de l’IA, pas seulement en consommer

Marc Alain Boucicault, fondateur de BANJ, souligne l’urgence pour Haïti d’adopter une approche proactive en matière d’intelligence artificielle. « Nous ne pouvons pas simplement consommer l’IA. Nous devons la créer, l’adapter à notre contexte et l’utiliser pour relever nos propres défis », dit-il. Il mentionne des domaines comme les systèmes financiers, l’agriculture et les services publics où une IA adaptée au contexte haïtien pourrait transformer les pratiques actuelles.
Selon lui, même si l’utilisation de l’IA améliore déjà les performances individuelles et organisationnelles, cela se manifeste notamment par l’automatisation de certaines tâches répétitives. Il insiste sur le fait que pour que l’IA devienne un outil de transformation pour Haïti, elle devra être intégrée dans une stratégie politique publique bien définie. Cela requiert de résoudre les problèmes d’infrastructure fondamentaux, tels que l’électricité et la connectivité internet, et de soutenir le développement d’une fintech locale.
Xavier Michon : L’IA, un outil pour l’entrepreneuriat des jeunes

Xavier Michon, représentant du PNUD, considère l’IA comme un outil plutôt qu’une fin en soi pour stimuler l’entrepreneuriat. Il salue l’intégration progressive des cours sur l’IA générative et l’éthique dans l’éducation à travers le monde. En Haïti, cela devrait inspirer les jeunes à maîtriser l’IA, mais également à se projeter comme créateurs de solutions plutôt que simples exécutants.
Il souligne également l’importance de l’éducation financière : « Un jeune entrepreneur doit comprendre comment interagir avec une banque, saisir les outils de crédit et adopter une approche d’épargne et d’investissement. » Le numérique, et par extension l’IA, peut rendre ces outils plus accessibles et les intégrer dans des modèles économiques durables.
Riphard Sérent : L’IA face aux réalités des PME haïtiennes

Riphard Sérent, de la direction de la communication de la Banque de la République d’Haïti (BRH), souligne que les défis structurels sont importants. Selon l’étude FINSCOPE menée par la BRH, 89 % des MPME sont dirigées par une seule personne, et 92 % ne possèdent aucun système de gestion. « Comment envisager l’IA quand l’entreprise n’a même pas un système de comptabilité, même fondamentale ? », se demande-t-il.
Pourtant, il voit une opportunité : le secteur est encore en développement, et cela représente un terrain favorable à l’innovation pour les jeunes Haïtiens. Avec une meilleure organisation des entreprises et la production de données fiables, les PME pourraient devenir des acteurs clés du développement numérique du pays.
Cozy Joseph : pour tirer profit de l’IA, les jeunes doivent associer compétences techniques et humaines

Cozy Joseph, d’Amazon Web Services, rappelle que pour être compétitifs dans un monde dirigé par l’IA, les jeunes Haïtiens doivent développer une double compétence : technique et humaine. Sur le plan technique, cela implique la capacité à diriger, collecter et analyser des données, ainsi qu’à comprendre les langages de programmation et les algorithmes.
Cependant, l’IA ne remplace pas la pensée critique ni la créativité. « Ce que l’IA ne peut pas faire, c’est penser à votre place », souligne-t-il. Il insiste aussi sur la nécessité de rendre la technologie accessible en Haïti pour qu’elle ne soit pas considérée comme hors d’atteinte mais comme un outil concret à la disposition des jeunes innovateurs.
Un engagement collectif pour avancer
Tous les participants à cette table ronde sont d’accord pour dire que l’intégration de l’IA en Haïti ne sera pas une solution miracle. Cependant, une opportunité stratégique nécessitant une vision claire, des régulations appropriées et un engagement dans l’éducation et l’infrastructure. Les jeunes, qu’ils soient entrepreneurs, étudiants ou passionnés de technologie, sont au cœur de cette transformation.
La table ronde a été un moment fort de sensibilisation et de mobilisation autour d’un enjeu essentiel du XXIᵉ siècle. Il appartient désormais aux décideurs politiques, aux institutions éducatives et au secteur privé de transformer ces idées en actions concrètes pour que l’intelligence artificielle puisse contribuer au développement économique, social et inclusif d’Haïti.
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