Jameson Duperval, économiste haïtien, désigné leader mondial en inclusion financière
Nous publions in extenso cet article paru en date du 5 septembre 2025 dans les colonnes du quotidien Le Nouvelliste en honneur de notre collaborateur, l’économiste Jameson Duperval, désigné leader mondial en inclusion financière.
Le professeur d’économie à l’Université d’État d’Haïti, Jameson Duperval, également doctorant à l’Université Paris Dauphine-PSL, vient d’être désigné leader en inclusion financière pour Haïti par deux institutions mondialement reconnues : la Fletcher School et l’Alliance for Financial Inclusion (AFI). L’économiste Duperval s’est vu décerner cette prestigieuse distinction par la Fletcher School de l’université de Tufts, le 3 septembre 2025 à Namibie, lors du Global Policy Forum (GPF) de l’Alliance for Financial Inclusion (AFI) en présence de 700 régulateurs financiers et décideurs politiques de haut niveau venus du monde entier. Cette distinction, obtenue après un programme exigeant de neuf mois, place l’économiste au cœur d’un mouvement global qui redéfinit les frontières de la finance pour les populations exclues.
Une reconnaissance mondiale pour une vision locale
Le programme Leadership in Financial Inclusion, coorganisé par la Fletcher School et l’AFI, sélectionne chaque année des cadres émergents issus de pays en développement, capables de concevoir des politiques innovantes et inclusives. Parmi les meilleurs, Jameson Duperval a été distingué pour son projet ambitieux : une stratégie d’inclusion financière ciblant l’accès au crédit des femmes agricultrices dans les départements du Sud et du Sud-Est d’Haïti, deux régions vulnérables mais aux immenses potentialités agricoles. Son approche n’est pas seulement technique, elle est systémique, contextuelle et transformante. Pour l’économiste haïtien, l’exclusion financière n’est pas un simple manque d’accès à un compte bancaire, mais un symptôme profond d’un déficit de gouvernance, de coordination institutionnelle et de culture financière inclusive.
« On ne peut pas bâtir un système inclusif sans lois claires, sans cadre réglementaire solide, ni sans vision d’ensemble », a fait remarquer le professeur d’économie soulignant un manque de synergie entre les banques, les fintechs, les ONG…
Le numérique, levier stratégique mais pas fin en soi
Dans un contexte où les plateformes de mobile money comme Mon Cash, NatCash ou KashPaw connaissent une croissance exponentielle, Jameson Duperval met en lumière un paradoxe critique : ces outils ont permis à des millions d’Haïtiens non bancarisés d’avoir un compte, de recevoir des transferts, de payer des factures… mais restent trop souvent limités à la transaction pure.
« Les mobile money ont ouvert une porte, mais elles ne sont pas encore une maison », a-t-il déclaré arguant qu’il ne s’agit pas seulement de transférer de l’argent, mais de construire une protection financière pour les plus vulnérables.
C’est pourquoi il plaide pour une réorientation stratégique de ces plateformes : intégrer des produits financiers fondamentaux tels que :
- La micro-assurance pour les personnes évoluant dans le secteur informel,
- Les micro-pensions pour la sécurité à long terme,
Et au cœur de sa proposition, le renforcement économique des femmes du secteur agricole, pilier essentiel de l’économie haïtienne. Selon l’ONU, elles représentent près de 60 % de la main-d’œuvre agricole, mais disposent de moins de 10 % du crédit agricole.
Une stratégie triple : innovation, digitalisation, éducation
Économiste Duperval propose une trilogie d’action concrète et audacieuse :
A. Des produits financiers adaptés aux réalités agricoles
- Échéanciers post-récolte : remboursement des prêts après la récolte, lorsque les revenus sont disponibles.
- Périodes de grâce pour favoriser l’investissement initial sans pression immédiate.
- Procédures simplifiées en termes de documentation pour une meilleure accessibilité aux personnes peu scolarisées.
- Création d’un fonds de garantie dédié aux femmes pour réduire le risque perçu par les prêteurs et stimuler les financements.
B. Le numérique au service de l’inclusion
Grâce à des partenariats avec des prestataires de services financiers numériques (SFN) régulés par la Banque de la République d’Haïti (BRH), les prêts pourraient être distribués et remboursés directement via les applications de mobile money, en respectant les normes de conformité KYC. Cette solution :
- Élimine les longs déplacements coûteux vers les agences bancaires,
- Réduit les frais de transaction,
- Améliore la sécurité et la traçabilité des opérations.
Une littératie financière accessible et contextualisée
Conscient que l’alphabétisation est un obstacle majeur, il recommande de repenser complètement les programmes de sensibilisation :
- En créole haïtien, langue maternelle de 95 % de la population,
- Avec des supports visuels, des récits inspirants, des jeux de rôle et des ateliers entre pairs,
- En couvrant des sujets clés : gestion budgétaire, épargne, calcul d’intérêts, utilisation sécurisée des outils digitaux.
« Il ne sert à rien d’offrir un prêt si la personne ne sait pas comment le gérer, ni comment protéger son argent », explique-t-il. La finance inclusive, c’est aussi éduquer et accompagner.
Vers une agriculture plus résiliente, plus juste
Ce projet dépasse largement le cadre d’une politique de crédit. Il s’inscrit dans une vision globale de justice économique. En mettant les femmes agricultrices au centre des politiques de développement rural, Jameson Duperval vise à créer un modèle d’agriculture plus durable, plus résilient, plus équitable.
« Quand une femme agricultrice accède au crédit, elle ne nourrit pas seulement sa famille. Elle investit dans ses enfants, améliore sa production, et contribue à la stabilité économique de son village », a conclu Duperval. C’est une transformation sociale profonde, qui commence par un petit prêt.
La reconnaissance internationale de Jameson Duperval n’est pas seulement une victoire personnelle. C’est un signe fort de l’émergence d’une nouvelle génération d’experts haïtiens : formés dans les meilleures universités du monde, ancrés dans les réalités locales, et porteurs d’une vision à la fois pragmatique et visionnaire.
« Nous avons besoin de plus d’innovation responsable, de plus de leadership local, de plus de confiance dans nos propres capacités. » La finance inclusive n’est pas un luxe. C’est une nécessité pour sortir de la pauvreté, pour construire un avenir meilleur.
Avec son projet, Jameson Duperval ne se contente pas de proposer des solutions techniques. Il dessine un nouvel horizon pour l’inclusion financière en Haïti, où l’inclusion n’est plus une promesse, mais une réalité quotidienne.

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