La BID et Haïti, une histoire de crises et d’opportunités sous-exploitées

L’histoire de la Banque Interaméricaine de Développement (BID) et de la République d’Haïti remonte à plus d’un demi-siècle. D’ailleurs, il est écrit qu’Haïti est l’un des pays fondateurs de la BID. Rien d’étonnant en soi si l’on considère qu’Haïti est toujours présente dans les grands rendez-vous marquant l’Histoire de ce monde. La République d’Haïti ne figure-t-elle pas parmi les pays signataires de la Charte des Nations Unies ?
En se rendant sur le portail officiel de la BID, on peut lire ceci : « Le bureau national d’Haïti entend contribuer à une croissance partagée plus forte et durable qui permette de réduire la pauvreté et les inégalités ».
Une mission que la BID a eu bien du mal à remplir au fil des dernières décennies tellement le pays a été secoué par les crises de toutes sortes, l’instabilité politique chronique et les désastres naturels dévastateurs. Malgré les efforts de la BID et ses centaines de millions d’investissements, Haïti demeure le seul Pays moins avancé (PMA) des Amériques et le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental.
Au moment où nous écrivons ces lignes, le pays est en train de faire face sans nul doute à sa plus profonde et sa plus grave crise de toute son histoire. Les institutions n’existent que de nom, l’insécurité bat son plein, les gangs règnent en maîtres, la superficie des territoires perdus ne cesse de gagner du terrain, les autorités impuissantes au même titre que la population aux abois s’accrochent de toutes leurs forces à une possible arrivée d’une force armée multinationale conduite par le Kenya.
Le portail officiel de la BID sur Haïti encore une fois nous renseigne que : « la stratégie pays du Groupe de la BID pour la période 2017-2021 entend contribuer à une croissance partagée plus forte et durable qui permette de réduire la pauvreté et les inégalités ». Au cours de la période susmentionnée, cette stratégie s’est articulée autour de trois priorités stratégiques ayant guidé les opérations en Haïti garanties par l’État ou d’autres acteurs : améliorer le climat des affaires pour accroître la productivité ; rendre les principaux services publics plus accessibles afin de favoriser le développement humain ; et, renforcer la capacité du gouvernement à améliorer sa viabilité financière. L’aide de la BID était censée prendre en compte les thématiques transversales essentielles aux politiques de stabilité et de réduction de la pauvreté d’Haïti, notamment la résilience face aux changements climatiques, la protection de l’environnement et l’égalité entre les sexes.
Au cours de cette même période, les opérateurs politiques haïtiens ont inventé le pays-lock comme acte ultime de sabotage des activités économiques comme forme d’opposition politique au pouvoir en place. Sans surprise, le pays a enregistré cinq années consécutives de croissance négative de son PIB. Résultat des courses et de toutes ces casses : des centaines d’emplois perdus, énormes fuites de cerveaux et de capitaux, l’école et les hôpitaux pris en otage par la guerre des gangs, l’impossibilité pour les personnes et les marchandises de circuler librement à travers les grands axes routiers du pays, etc.
Il devient de plus en plus difficile dans ces circonstances pour la BID de mettre en place sereinement son agenda de soutien au développement économique du pays. Encore une fois, l’urgence et l’humanitaire prennent le dessus sur le développement, comme en témoigne le bond enregistré dans le portefeuille social de la BID.
En dépit de tout, l’équipe de la BID ne baisse pas les bras. C’est tout à son honneur. Toutefois, on ne peut s’empêcher de penser quel serait l’impact réel des interventions de la BID sur le développement du pays si le climat était moins délétère. Fidèle à elle-même, Haïti se retrouve une fois de trop en situation de catastrophe humanitaire en lieu et place de profiter pleinement des sources de financement à long terme de la BID pour son développement économique, social et institutionnel.