Économie

La diaspora envoie des fonds en Haïti par altruisme, selon une étude

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La courbe de l’évolution annuelle des transferts, en pourcentage du PIB, révèle une tendance à la hausse au cours des dix dernières années, précédée d’une tendance à la baisse bien à partir de l’année 2003, selon le rapport du Programme des Nations unies pour le Développement intitulé «étude rétrospective sur les transferts de fonds de la diaspora haïtienne» publié en 2022. Selon cette étude, les membres de la diaspora envoient des fonds en Haïti d’abord par altruisme, non pas par intérêt.

L’étude conduite par Cadet Raulin L. précise que parmi les multiples catastrophes ayant frappé Haïti ces dernières décennies, c’est le tremblement de terre qui semble avoir occasionné une augmentation des transferts. «Il est montré que ce ne sont pas tous les évènements majeurs qui affectent l’évolution annuelle des transferts de fonds envoyés en Haïti. Mais, ces augmentations remarquées, durant des périodes de crise ou la tendance des transferts était à la baisse, ne durent que l’année de l’évènement adverse», a indiqué l’étude.

Dans cette étude, l’auteur a cherché à découvrir la motivation des membres de la diaspora pour envoyer de l’argent en Haïti. «La considération de l’évolution du flux de transferts de fonds indique que l’envoi de ces derniers en Haïti est motivé par l’altruisme et non par des intérêts personnels pouvant être liés à l’investissement dans des activités entrepreneuriales», a avancé Cadet Raulin L. en guise de réponse à sa préoccupation. D’ailleurs, a-t-il ajouté, sur la période allant d’octobre 2014 à septembre 2020, nous estimons à $163.63, le montant moyen d’un transfert reçu en Haïti. Un montant jugé trop petit pour être investi dans des activités génératrices de revenus.

Pour preuve, l’auteur a fait remarquer que suivant l’étude de Cadet et Emile (2016) 45.4% des bénéficiaires de transferts interviewés, dans quelques communes de cinq départements d’Haïti, reçoivent des transferts occasionnellement alors que 30.39% en reçoivent chaque mois. «Lorsqu’un transfert est reçu occasionnellement, il sert généralement à faciliter la consommation aussi bien que l’accès à certains services comme l´éducation et la santé», a-t-il écrit. Ajoutant : «En considérant ceux qui en reçoivent tous les mois, le montant moyen de $163.63 est inférieur au montant moyen de transferts mensuels de $358 dont bénéficient les ruraux au Bengladesh». Si le montant de transfert moyen reçu par un Haïtien est de $163.63, c’est plus que ce que reçoit un Marocain dont le montant moyen est approximativement l’équivalent de $131.50.

L’étude note que l’altruisme des membres de la diaspora envers leurs proches en Haïti est particulièrement remarqué, durant la période ou la tendance des transferts était à la baisse. «A ce moment, des évènements néfastes comme la crise financière internationale et le tremblement de terre qui frappa Haïti ont fait augmenter, même si c’est temporairement, les transferts envoyés en Haïti», souligne le document. Il a par ailleurs noté que durant des périodes de crise qui affectent économiquement les pays où résident la diaspora haïtienne, les transferts vers Haïti ne tendent pas à diminuer.

«Si la diaspora était motivée par des intérêts personnels relatifs notamment à un retour sur investissement dans des activités entrepreneuriales, lorsqu’Haïti est frappé par des crises qui affectent négativement la croissance économique, les transferts diminueraient. Car, dans de telles circonstances, la diaspora ne s’attendrait pas à un rendement positif de leurs investissements», argumente l’auteur.

Cadet Raulin L. a tenté de trouver d’autres raisons qui pourraient motiver la diaspora à envoyer des fonds en Haïti. «Il est important de souligner que l’intérêt personnel de la diaspora peut être présent dans sa motivation à envoyer des fonds en Haïti, précise-t-il. Car, il peut exister des arrangements, une certaine forme de contrat implicite, entre la diaspora et les membres de leurs familles. En effet, des arrangements existent certaines fois entre un migrant et les membres de sa famille qui sont dans son pays natal, notamment en prévision de son retour éventuel.»

L’auteur a aussi souligné que certains Haïtiens ont dû obtenir un prêt auprès des membres de leur famille respective, et même des amis, pour financer leur voyage. «Même lorsqu’ils ont fini de rembourser les sommes empruntées, ils peuvent avoir une dette morale envers les membres de la famille et les amis», confirme l’étude. Ajoutant: «De plus, les migrants qui pensent retourner vivre, ou passer de longs séjours en Haïti lorsqu’ils prendront leur retraite à l’étranger, peuvent être motivés à soutenir financièrement les membres de leurs familles, afin de pouvoir bénéficier d’autres formes de support lors de la préparation de leur retour dans le pays d’origine».

La provenance des fonds de la diaspora

Au cours de ces dernières années, précise l’étude, les transferts de fonds vers Haïti proviennent principalement de trois régions: l’Amérique du Nord, l’Amérique latine et Caraïbes (ALC) et l’Europe. De ces trois régions, c’est l’Amérique du Nord avec les Etats-Unis qui reste le principal pourvoyeur de fonds à Haïti. «Les transferts de fonds en provenance des Etats-Unis représentaient 77.81% du total des transferts de l’année 2020. Ceci résulte probablement de la proximité d’Haïti avec les Etats-Unis qui est un pays industrialisé pouvant offrir un revenu plus élevé aux Haïtiens que ce qu’ils peuvent obtenir en Haïti», informe l’étude. Elle a par ailleurs précisé que dans la région de l’Amérique latine et Caraïbes, les principaux pays de provenance des transferts de la diaspora sont, dans l’ordre d’importance : le Chili, la République dominicaine, et le Brésil. Le Canada est aussi un important expéditeur de transferts de fonds vers Haïti.

Les Haïtiens vivant en Europe envoient aussi des fonds en Haïti. Le principal pays de provenance des transferts reste la France Métropole excluant la Martinique et les autres Antilles qui font partie de la région l’Amérique latine et Caraïbes.

Saisonnalité des transferts

«Les transferts reçus en Haïti sont saisonniers, confirme l’étude du PNUD. Le plus important pic se retrouve au mois de décembre. Puis, nous retrouvons un autre pic au mois de mars. Pour le mois de décembre, nous comprenons qu’il s’agit de transferts réalisés vers Haïti, dans le cadre de la période des fêtes de fin d’année».

L’étude a par ailleurs précisé qu’en fin d’année, les Haïtiens de la diaspora tendent à envoyer de l’argent même pour certaines personnes qui ne sont pas de proches parents, voulant juste les aider à bien passer cette période de fête.

Selon l’auteur, en ce qui concerne l’augmentation des transferts au mois de mars, elle s’explique probablement par la période pascale qui arrive généralement à ce mois ou au début du mois d’avril. Il est aussi possible que les transferts augmentent au cours de cette période à cause du remboursement d’impôt dont bénéficient des migrants, notamment aux Etats-Unis d’Amérique.

«Cette augmentation saisonnière des transferts pourrait s’expliquer aussi par d’autres facteurs que nous ignorons », fait-il remarquer. L’étude confirme que le mois de janvier est celui ou le montant des transferts est généralement le moins élevé. «Cela pourrait s’expliquer au fait que la diaspora a fait un effort important au mois de décembre. Il lui est difficile de maintenir même le rythme des mois qui précèdent décembre », a expliqué l’auteur. Avant de conclure: «Il est possible que les transferts qui arrivent au mois de janvier soient généralement destinés à financer des besoins urgents».

DevHaiti

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