Gouvernance

La Réforme Bernard, échec ou succès après 40 ans ?

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Nous sommes en mesure d’affirmer que la Réforme Bernard(sic) a connu un certain succès, sans atteindre le seuil escompté de déboucher sur le développement national via une éducation adaptée à la culture haïtienne.

1-         Le projet a bénéficié d’appuis financiers internationaux importants: Banque interaméricaine de développement (BID), Banque mondiale.

2-         La France avait mis le paquet en mettant sur pied une structure moderne dotée d’experts venus de France, à savoir l’Institut Pédagogique National (IPN) chargé du leadership de la Réforme.

Ce dernier a pu préparer, à côté d’ouvrages, des programmes d’un très haut niveau pédagogique. Ils ont été exposés à la Conférence nationale sur l’Enseignement Secondaire haïtien tenue du 12 au 14 mars 1993 à l’hôtel Montana de Port-au-Prince, par la Direction du Secondaire et un IPN passablement relogé dans un building à Carrefour. Ces programmes sont encore en usage dans le système éducatif haïtien et les seuls garants de l’uniformité de l’École Fondamentale Haïtienne.

3-         L’un des impacts positifs de la Réforme a été la promotion du Créole haïtien.

Sans l’effort de Réforme, Haïti n’aurait peut-être pas une Académie de la langue Créole haïtien aujourd’hui. De plus, le Recteur de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH), Fritz Deshommes, n’aurait jamais prononcé, le 18 novembre 2021, un long discours totalement en créole à l’occasion de la fête de l’Université et du Drapeau.

Ces avancées sont gommées, aujourd’hui, par les effets de la “démocratie malfaisante” qui a conduit le pays au désastre. Parallèlement à l’effacement des Forces armées d’Haïti (FADH), la destruction de l’IPN a préparé l’État failli haïtien actuel. Le local imposant de la rue Audain qui abritait l’IPN excitait la convoitise des potentats du bureau central du ministère de l’Éducation nationale de la jeunesse et des sports (MENJS).

Nous avons assisté, en notre qualité de Directeur Général en poste, la conquête des bureaux de l’IPN par les directeurs envoyés par une femme ambitieuse à qui le Ministre Rémy Zamor avait refusé la direction de l’IPN. Elle s’est faite installée dans le bureau du Directeur Général de l’IPN que nous étions sans préavis et sans que nous soyons démis de nos fonctions. En outre, l’appellation “Réforme Bernard” a été une variable parasite au succès de la Réforme.

Un autre vecteur d’échec à épingler a été l’accent trop aigu mis par la Presse nationale sur le Créole, langue vernaculaire (Verna, esclave). Pourtant, le Ministre Bernard avait inclus dans son discours de présentation de la Réforme, le 15 février 1982, l’expression: «une approche méthodique du français, langue étrangère».

4-         L’autoritarisme du gouvernement en place obligeait de “dribbler” pour combattre un système perçu comme dictatorial.

Combattre la Réforme endossée par un ministre de l’ère Duvalier était lutter contre le régime sans le dire… Pour finir, nous devons évoquer l’octroi de contrats juteux d’édition d’ouvrages et autres à une maison de la place au grand dam des autres. Un des fils de ces déçus devenu Ministre avait juré d’en finir avec l’IPN, institution contre laquelle il nourrissait, au nom de sa famille, une haine justifiée. Peu d’années après, l’IPN a été détruit et ses compétences réparties dans des postes importants du MENJS. Loin de voir la société nationale comme une course à relais où l’on se passe le maillet pour arriver au terminus, le développement, le responsable nommé considère ses prédécesseurs comme des ennemis et leurs œuvres comme des témoins à éliminer. Voilà !

DevHaiti

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