La technologie Blockchain pour résoudre le problème foncier en Haïti

L’Humanité a connu plusieurs révolutions, parmi lesquelles, la plus spectaculaire et la plus récente est la révolution numérique, parfois dite technologique ou même digitale. Dans tous les cas, on se réfère à ce bouleversement profond des sociétés provoqué, par l’essor des techniques numériques, telle l’informatique, grâce au développement du réseau internet.
Parmi les techniques développées, c’est la technologie Blockchain qui nous concerne plus particulièrement aujourd’hui. A notre humble avis, elle est peut-être celle par qui la démocratisation de la monnaie, le cinquième pouvoir après l’exécutif, le législatif, le judiciaire et les médias, va arriver.
Haïti, connaît aujourd’hui beaucoup de difficultés dont certaines sont bien enracinées depuis son indépendance. A travers ce texte, nous voulons montrer que les solutions existent aussi. C’est donc avec un intérêt tout particulier que nous présentons la technologie Blockchain.
«Blockchain» C’est quoi?
Selon la définition que nous propose l’entreprise IBM, la Blockchain est «un registre partagé et immuable qui facilite le processus d’enregistrement des transactions et le suivi des actifs dans un réseau métier.» Il est important ici de prêter une attention soutenue à chaque mot ou expression souligné.
Pour vous aider à comprendre en termes plus simples, nous allons décortiquer la définition et considérer chaque mot ou expression clé.
D’abord, qu’est-ce qu’un registre et quand dit-on qu’il est partagé ?
Supposons que vous vous rendez aux funérailles d’un proche. Lorsque vous arrivez, il est de coutume qu’un registre soit placé à l’entrée. Une file se forme et chacun son tour se présente pour signer son nom et laisser une petite note de sympathie à l’endroit de la famille éplorée.
A la fin de la cérémonie, ce registre où chaque mot a été collecté, sera remis à la discrétion de la famille qui pourra identifier, chaque signature et les mots qui l’accompagnent.
Il s’agit là donc d’un registre contenant des informations seulement utiles à la famille, en général le membre le plus intime au défunt. C’est un «registre non partagé».
Considérons par contre cet autre exemple. Vous faites partie d’un «groupe dit sabotage» ou selon certaines règles établies, le montant total collecté de chaque membre est versé, à la fin de la journée, à un des membres. Pour contrôler à qui le tour, sans risque de se tromper et créer des frustrations, chacun dispose d’un registre où tous les noms sont listés.
A chaque paiement, «le papa ou la maman sòl» noti- fie tout le monde: «un tel est acquitté aujourd’hui». Puis, chacun de son côté, place une petite croix au côté du nom du bénéficiaire du jour. Ainsi, à tout instant, chacun sait pour qui et combien de fois la roue a déjà été favorable.
Il s’agit dans ce cas précis d’un «registre partagé».
La notion d’immuabilité
Les exemples jusque-là pris en compte, nous ont servi pour illustrer la notion de registre, partagé ou non partagé. Dans les deux cas ci-avant, nous ne saurions parler d’immuabilité lorsque nous savons que les informations étant inscrites manuellement, il est possible de raturer le cahier à n’importe quel moment.
La notion d’immuabilité renvoie à l’impossibilité d’altérer les informations déjà fournies. Nous y reviendrons un peu plus tard.
Enregistrement des informations
Aussi dans les deux cas considérés, l’information pour être utile et exploitable, a dû être insérée à la plume ou au crayon, par l’utilisateur du registre. Que ce soit des mots de sympathie, dans le cas des funérailles ou une petite croix portée à côté du nom d’un bénéficiaire, dans le second cas, le stylo a été un outil nécessaire. Son utilisation a permis de faire passer l’information de la mémoire biologique (le cerveau) à la mémoire matérielle (le cahier), plus facile à transmettre, sans altération, à la postérité.
En effet, c’est dans le but précis de pouvoir être consulté ultérieurement que ce geste est crucial. Sinon, celui qui détient ces informations, tôt ou tard, meurt avec.
Vous conviendrez avec moi que c’est dommage, mais que c’est une loi naturelle à laquelle nous devons tous nous faire !
Suivi des actifs
L’actif ici peut être matériel, ou immatériel. Dans les exemples qui nous concernent, il s’agit dans le premier cas, celui des funérailles d’un actif immatériel; l’émotion exprimée d’un ami à la famille éplorée. Dans le second, celui du «sòl/sabotage», il s’agit tout bonnement de l’historique d’un montant versé à son bénéficiaire, donc un actif matériel ; le concept, nous l’admettons, restant discutable entre les puristes.
Réseau
Le concept de réseau sous-entend une organisation ou structure où la possibilité, par un moyen quelconque, de tous les acteurs appelés nœud d’une chaîne, de pouvoir communiquer sans interruption aucune, existe à tout moment.
C’est ainsi que nous pouvons tout simplement dire, par exemple, sont en réseau, via leur téléphone portable, les utilisateurs d’un même groupe WhatsApp.
Le problème foncier en Haïti, le rôle du notaire, ses limites
Pour bien cerner le problème du foncier en Haïti, il conviendrait de l’étudier à travers le prisme du concept PESTEL (Politique, Economique, Sociologique, Technologique, Ecologique et Légal). Toutefois, pareille étude n’est pas le but de ce présent article. Bon nombre d’économistes et d’historiens nous ont déjà devancé dans cet ouvrage.
A cet effet, nous allons tout simplement nous inspirer de leurs travaux et, nous servant des explications ci-avant données du Blockchain, pour montrer en quoi la composante technologique peut servir de catalyseur aux cinq autres, prises séparément.
Quels sont les faits? Aujourd’hui, celui qui veut faire l’acquisition d’un lopin de terre, entre en contact direct avec le dit propriétaire. Ils s’entendent sur un prix d’achat, sous la foi d’un titre montré qui fait état d’une dimension possible du terrain. Ensuite, ils se rendent chez le notaire qui sollicite les services d’un arpenteur pour confirmer les dimensions. Entre temps, le notaire est censé se charger de vérifier que le titre de propriété présenté est bien authentique et qu’il ne fait l’objet d’aucun soupçon de conflits d’intérêts.
C’est à partir de là que nous nous retrouvons en présence d’une organisation non fonctionnelle. Si tant il est possible que les notaires d’Haïti, au moment où nous parlons, peuvent tous se retrouver sur un groupe WhatsApp en commun, on ne peut parler de réseau effectif. Ce groupe n’est certainement pas le lieu idéal pour assurer le suivi de dossiers d’une telle importance.
C’est-à-dire Il n’existe donc, à l’heure actuelle, aucun réseau connu de notaires qui assure le suivi effectif des actifs immobiliers, de sorte qu’une transaction initiée chez l’un soit répertoriée chez tous les autres, un peu plus tard.
Effectivement, chaque notaire dispose d’un registre où chaque transaction de vente est enregistrée. Toutefois, ce registre n’est pas partagé. Ainsi, une modification portée chez l’un d’entre eux ne se répercute point automatiquement chez tous.
Par ailleurs, et pour finir, sinon la bonne foi et l’éthique d’un notaire, il est à même de modifier à loisir une information de vente déjà enregistrée à des fins inavouables. Son registre donc n’est point immuable. Le propriétaire d’aujourd’hui peut se voir déposséder demain à l’aube d’une transaction.
C’est ainsi que nous nous retrouvons aujourd’hui dans des cas de relation cardinale absurde où un terrain peut se voir légalement attribuer à plusieurs propriétaires, chacun disposant d’un titre attesté chez son notaire.
Ainsi que nous pouvons tout simplement dire, par exemple, sont en réseau, via leur téléphone portable, les utilisateurs d’un même groupe WhatsApp.
Conclusion
La technologie Blockchain, techniquement, c’est une chaîne interminable où chaque maillon est relié au précédent à travers un attribut. Dans le cas qui nous préoccupe aujourd’hui, les attributs peuvent être les suivants: l’identifiant unique de l’actif, le propriétaire antérieur, les dimensions attestées, les coordonnées pouvant géo-localiser l’espace, le propriétaire actuel mandaté et même une photo numérisée. Un d’entre eux sera élu pour servir de liant entre deux maillons.
Le tout constituant des enregistrements de successions dans un registre partagé entre tous les acteurs concernés, sur un même réseau, l’internet.
Aussi, si nous nous reportons à la définition qui nous a servi tout au long de cet exposé, il en ressort que la solution au problème foncier en Haïti passe obligatoirement par la mise en œuvre d’un registre partagé où le suivi des actifs mobiliers est assuré électroniquement et la mise en réseau de tous les notaires, dépositaires des enregistrements légaux d’acte de propriétés, de la Direction Générale des Impôts (DGI), collecteur ultime qui certifie la passation de vente des biens immobiliers et des citoyens désireux d’en avoir accès.
La technologie blockchain, l’accès à l’internet via les smartphones, la disponibilité de jeunes universitaires pour développer des applications pouvant se connecter à une base de données distribuée, tout est déjà là. Nous n’avons rien à inventer. Surtout pas une roue qui tourne depuis bien longtemps. Par-dessus tout, des Haïtiens certifiés en gestion de projet informatique d’envergure existent aussi.
Qu’est-ce qui nous manque vraiment ? J’ouvre donc une fenêtre sur la vision de cet Haïti dont nous rêvons tous. Je vous laisse, cher lecteur, compléter cette œuvre inachevée.
Qui sait, peut-être qu’un jour, se transformera-t-elle? Du fruit de notre imagination, en artefact communautaire.
Soyons courageux !
GJF Consulting Group