L’Acul du Nord s’offre un nouveau Plan communal de développement
Présentation officielle le 2 août 2022, du Plan communal de développement (PCD) de l’Acul du Nord en présence des autorités locales, des représentants d’organes déconcentrés, des membres d’associations et d’organisations de la société civile au local de l’École Nationale Barrière Blanche.
Cette cérémonie a eu lieu deux années après le lancement du processus d’élaboration du PCD par différents acteurs sous la supervision technique de l’Institut de Formation et de Services (IFOS) et la coordination du projet dénommé Développement municipal et de Résilience urbaine (MDUR) mis en œuvre par l’Etat Haïtien à travers l’UCP/MICT (Unité de coordination de projet/Ministère de l’intérieur et des collectivités territoriales) financée par la Banque mondiale (BM).
Dans son discours d’introduction, le directeur général de la mairie de l’Acul du Nord, Charlemagne Augustin, souligne que le Plan communal de développement (PCD) est un signe montrant la [bonne] volonté sociale, économique et politique de toute la communauté. Disant espérer que la commune sera reconnaissante de cette pierre placée sous son édifice, il révèle que l’ensemble des acteurs et secteurs de la vie sociale, économique et politique communale a fourni d’immenses matériaux aux fins d’élaboration de ce PCD.
Tout en admettant que les indicateurs de développement du pays soient inquiétants, il encourage tout de même les acteurs et secteurs sociaux à ne pas se laisser prendre dans l’engrenage de l’aide étrangère qui traîne derrière elle, un lot d’ennuis et surtout, de la dépendance. Au point qu’on dit souvent, «qui finance commande». Il se dit indigné par les gestes, les actions et les propos insolents et irrévérencieux des bailleurs. «Parfois, la décision du donateur est unilatérale et irrévocable», dénonce-t-il.
Nous disposons d’une commune riche en potentialités et pleine d’atouts, confie M. Augustin, qui fait appel à la contribution de toutes et de tous pour la mobilisation des ressources communales afin de soutenir les investissements pouvant contribuer au développement de la région. «Nous réclamons aussi des autorités locales, l’application d’une vision claire, réelle et pratique au point de prioriser l’approche du développement endogène. Car, la dépendance nous rend oisive. C’est un poison dosé qui nous tue lentement», a-t-il déclaré.
Il se plaint que le pouvoir local connaît une misère abjecte et répugnante avec 28 mois d’arriérés de salaire de ses employés en dépit de l’existence d’un fonds spécial destiné à la gestion et au fonctionne- ment des collectivités.
Un processus inclusif …
Comportant six (6) sections communales, l’Acul du Nord situé à 20 km de la ville du Cap-Haïtien s’est offert un nouveau plan de développement, des années après celui de 2009 dont l’application n’était pas effective. Le document comporte six (6) parties, notamment une section consacrée à la méthodologie, au diagnostic, à la programmation et à la mise en œuvre. Tandis que le processus d’élaboration du PCD comporte quatre (4) phases: la préparation, le diagnostic, la programmation et la mise en œuvre. Le processus a débuté le 21 juillet 2020. Il se veut participatif en impliquant tous les acteurs concernés par la question.
Diagnostics techniques et participatifs, revues de littérature, visites sur des espaces clés, inventaires des infrastructures, formations, ateliers, enquêtes socio-économiques des ménages, ateliers de diagnostic participatif, entretiens, collectes d’informations – ont été les différents outils utilisés pour collecter les informations devant servir à l’élaboration du Plan communal de développement (PCD).
Réalisant la genèse du PCD, le directeur général de la mairie de l’Acul du Nord, Charlemagne Augustin rappelle avoir souligné lors du lancement du processus que le Plan communal de développement sera le résultat de l’approche conjuguée de tous les acteurs et secteurs de la vie communale.
«Chose dite, chose faite. Ce document est réellement, le résultat de vives discussions, de désaccords flagrants et d’échanges houleux sur la situation politique du pays. Des revendications qui soulèvent parfois la colère du bureau d’études», a-t-il fait savoir.
Pour sa part, Ulrick Jean Claude, responsable au sein de l’IFOS, firme de consultation offrant des services de formation et d’assistance technique dans divers domaines, a fait savoir que ce document est le fruit de deux années passées avec les acteurs de l’Acul du Nord, mettant en exergue l’importance du plan pour la commune. «Ce document est le résultat d’un travail axé sur un processus participatif réalisé avec la participation de divers acteurs venant de toutes les zones du territoire. C’est un document au-dessus des partis et des camps politiques. C’est un document appartenant à la population», a-t-il indiqué.
Inclusif, participatif et non partisan, tels sont les qualificatifs utilisés par M. Jean Claude pour parler du processus d’élaboration du document durant 22 mois. «C’est un plan d’action, il faut passer à la mise en œuvre basée sur la volonté et l’engagement que les acteurs vivant sur le territoire vont prendre», avance-t-il, ajoutant que tout a été discuté. Ainsi, de nombreux changements ont été effectués dans le document au cours du processus.
Le PCD, un document de grande envergure ?
L’élaboration d’un Plan communal de développement trouve sa légalité dans la Constitution du 19 mars 1987 dotant les mairies ou collectivités d’un ensemble de compétences afin d’assurer leur gestion administrative et planifier leur développement. Mais également, la possibilité de travailler de manière autonome à l’amélioration des conditions de vie de leurs populations.
Le PCD de l’Acul du nord, décrit une commune en crise à tous les niveaux. Les faiblesses voire menaces révélées sont entre autres: ressources culturelles et historiques non exploitées, corruption, absence d’infrastructures routières, manque de valorisation des patrimoines et absence de contrôle sur les rivières et sources d’eau, superstition, acculturation, malnutrition, absence de crédit agricole, outils rudimentaires dans l’agriculture, destruction des mangroves, disparition de la biodiversité et construction de maisons ne respectant pas les normes de construction.
Comme autres problématiques majeures, le diagnostic a aussi révélé: urbanisation accélérée et injustice spatiale, extension urbaine anarchique et désordonnée, transport maritime en voie de disparition, migration très poussée des aculoises, absence de gestion des déchets, défaut de système de drainage adéquat, place publique non aménagée, libre circulation de personnes avec des armes, insuffisance d’agents de police et pénétration agressive et anarchique des constructions dans les zones à fort potentiel agricole.
En guise d’opportunités soulevées, retenons: les potentialités fiscales en raison des constructions. Le développement touristique peut créer de meilleures perspectives de création de richesses. Tourisme et agriculture sont considérés comme les deux piliers exigeant des investissements devant concourir au développement de l’Acul du nord. Il reste une évidence que la mise en œuvre du plan nécessite une réelle volonté politique des acteurs.
Ainsi, les différents intervenants lors de la présentation du plan croient que celle-ci doit passer par la valorisation des opportunités, notamment, un méga-investissement dans l’agriculture et le tourisme, l’alignement des actions des bailleurs et des partenariats public-privé, la gouvernance multi-partite et collaborative.
La vision du PCD est de voir dans cinq ans, soit en 2027, une commune d’Acul du nord compétitive et attractive. «Assurer le bien-être de la population et dynamiser l’économie locale par la validation des filières porteuses», tel est l’objectif du Plan. Comme piliers, il se tient sur l’organisation territoriale, la dynamisation de l’économie, les réformes institutionnelles et la restructuration sociale. Le budget global de mise en œuvre des actions du PCD relevant de la commune s’élève à 139 millions de gourdes sur 5 ans. Un montant que tous les acteurs jugent insuffisant.
Pour M. Jean Claude, responsable au sein de l’IFOS qui a fourni de l’assistance technique lors de l’élaboration du PCD, celui-ci constitue un document d’orientation du développement de la commune. La commune sera développée, si et seulement si, nous passons à l’action. «Ce document, c’est notre sang. Le processus était extrêmement difficile», a-t-il fait savoir lors de son intervention au cours de la cérémonie de présentation. Il soutient que le processus d’élaboration du PCD de l’Acul du Nord leur a servi d’enseignement dans le cadre d’élaboration d’autres PCD pour d’autres communes.
«L’instabilité a fait durer l’élaboration du document. Il est élaboré dans un contexte extrêmement difficile», a-t-il ajouté.
Pour sa part, Rébeccaline Ziky Décelmond, mairesse de l’Acul du Nord, n’a pas cessé d’évoquer les difficultés et péripéties connues avec le Plan de développement de 2009 lors de ses démarches de quête de financement pour son implémentation. Ainsi, dit-elle «souhaiter voir que les choses changent dans le pays», afin que les prochains élus de la commune n’eussent pas à connaître le même sort qu’elle.
«Je souhaite que la société civile participe dans la mise en œuvre du plan», a-t-elle plaidé lors de son intervention à la fin de la cérémonie. Une occasion dont elle a profité pour partager ses expériences avec l’assistance. Elle encourage les citoyens à contribuer en payant leurs redevances fiscales afin de permettre au document d’atterrir dans la commune. «C’est la clôture de deux ans de dure labeur», termine-t-elle.
Les perspectives à craindre ?
Les différents acteurs qui interviennent lors de la présentation du Plan ont fait état de leur préoccupation de voir ce document passer comme tous les autres plans de développement qu’on a déjà connus au pays. L’expression ‘’gardé dans les tiroirs’’, revenait souvent dans les interventions. «Le tiroir, là où reposent les documents», a dit un des intervenants. «La mise en œuvre, un véritable défi», confia-t-il.
Pour preuves, le contexte socio-économique marqué par l’instabilité, le financement, la vulgarisation et son appropriation constituent de véritables défis. Les intervenants prennent en exemple, le Post-Disaster Needs Assessment (PDNA), le Document de Stratégie nationale pour la Croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP) et le Plan stratégique de Développement d’Haïti (PDSH). Des documents qui n’ont jamais été implémentés.
«Dieu soit loué, on arrive bien à terme. Le voilà!», s’exclame le directeur général de la mairie de l’Acul du Nord, M. Charlemagne. Il soutient que la présentation du PCD marque la fin de deux ans de «pénitence» des travaux d’identification et d’analyse des forces, des faiblesses, des opportunités et des menaces auxquelles confronte l’Acul du Nord. Toutefois, il estime qu’on est encore loin, loin de la délivrance.
«Ce document nous met aux piémonts du Golgotha. C’est le début du chemin. Tout est tributaire d’une volonté réelle et des moyens. C’est pourquoi nous implorons la population et les organes déconcentrés de s’approprier le document. Nous sollicitons aussi de l’administration centrale, l’application et le respect des lois républicaines relatives à la décentralisation», a dit M. Charlemagne. «La présentation du document ouvre désormais la voie à sa mise en œuvre qui conduit l’ensemble des autorités du pouvoir local dans la gueule du loup. Courage!»
DevHaiti

