Le Budget 2021-2022 vu par Jean Michel Silin, Directeur de la Direction générale du Budget

Le Directeur de la Direction général du Budget, Jean Michel Silin, a effectué une présentation sommaire du Budget 2021-2022 lors de la 12ème édition du Sommet international de la Finance en avril dernier. Retour sur les grandes lignes de son intervention.
Le Budget 2021-2022 est élaboré dans une situation socioéconomique et financière exacerbée par des chocs tant internes qu’externes ayant fortement impactés les finances publiques. Ces chocs multidimensionnels ont empêché la mobilisation normale des ressources, qu’il s’agit de ressources internes collectées par les organismes de perception, qu’il s’agit de ressources externes. Ce qui a entraîné des répercussions sur les dépenses de l’Etat, des dépenses que le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) a dû rationnaliser pour éviter des dérives financières qui peuvent être néfastes à aux grands équilibres macroéconomiques. Cette situation aussi a perturbé le calendrier budgétaire.
Le budget 2021-2022 aurait dû être adopté avant le premier octobre 2021. Perturbation qui a fait qu’on a dû reconduire le budget de l’exercice précédent, ce qui a des effets négatifs puisque cette situation limite la capacité d’intervention de l’Etat. Reconduire un budget signifie qu’on a dû reconduire les Directeur de la Direction générale du Budget mêmes priorités de l’exercice précédent alors que les priorités ne sont pas toujours les mêmes. C’est la raison pour laquelle le MEF est en train de travailler sur le budget rectificatif pour l’exercice 2021-2022.
Le budget 2021-2022 s’inscrit dans un contexte d’urgences économiques et financières visant à :
• Contenir les déséquilibres macroéconomiques et financiers
• S’attaquer aux grands chantiers de réformes
• Renouer avec la croissance
Pour ce faire, le MEF a fixé les priorités suivantes:
• Améliorer la gouvernance juridique et politique, et garantir un climat politique et sécuritaire sereins pour faciliter la tenue d’une consultation populaire en vue de l’adoption des modifications à introduire dans la constitution et l’organisation des prochaines élections pour le renouvèlement du personnel politique
• Financer le plan de relèvement intégré de la péninsule sud (PRIPS) en lui consacrant un budget d’investissement (Trésor public) de 10 milliards de gourdes sur 4 ans.
• Renforcer la mise en œuvre de la PNPPS en lui affectant une enveloppe budgétaire de 3 milliards de gourdes pour les mois restants de l’exercice fiscal en attendant l’adoption de son plan d’actions.
• Intervenir dans le financement des campagnes agricoles pour mitiger la hausse anticipée de l’inflation, notamment à cause des impacts de la crise géopolitique en Europe de l’Est.
A cote des priorités, il faut aussi minimiser certains risques qui constituent des freins aux interventions de l’Etat, des risques tels:
• Le lourd fardeau pour le trésor public des coûts des subventions des produits pétroliers
• La tenue prochaine des élections dans le pays qui s’accompagnent généralement de troubles sociopolitiques
• La prolifération des gangs armés sur le territoire national
• Les déplacements forcés de la population à
l’intérieur du pays en raison de la violence
• L’importation illégale et massive d’armes de guerre et de minutions en Haïti
• L’exposition du pays aux risques des catastrophes naturelles, pour cela le gouvernement a adopté une stratégie de financement des risques et désastres pour permettre d’apporter des réponses appropriées lorsque ses situations surviennent
• La possibilité de résurgence de la pandémie de Covid-19
• L’expulsion et la déportation massive des Haïtiens en situation d’irrégularité.
Le Budget 2021-2022 s’oriente vers la mise en œuvre de politiques et de réformes nécessaires pour restaurer la stabilité macroéconomique et renouer avec la croissance. Les efforts seront axés sur la gestion des équilibres macroéconomiques et financiers en réduisant le financement de la BRH par rapport à son niveau de l’exercice fiscal précédent en vue de contenir l’inflation, en renforçant les mesures de gestion de la politique de change.
La mise en œuvre des politiques de réformes passera aussi par le renforcement des mesures de mobilisation des ressources fiscales, en adoptant un plan d’élimination progressive de la subvention des produits pétroliers et d’un mécanisme de mitigation sociale, en renforçant le couloir sécuritaire pour le transport des marchandises en provenance de la douane de Port-au-Prince, en consultant les acteurs de la société civile sur le premier code fiscal haïtien (CFH) intégrant le code général des impôts (CGI) et le livre des procédures fiscales (LPF) dont la mise en œuvre est prévu pour l’exercice fiscale 2024-2025.
La mise en œuvre de politique et de réformes c’est aussi le renforcement des mesures de mobilisation de ressources fiscales par l’extension du Revenue Management System (RMS) au niveau des bureaux de la DGI, par la poursuite de la mise en œuvre progressive du Plan de Rationalisation des Dépenses Fiscales (PRDF), par le renforcement des dispositifs informatiques des régies financières (AGD, DGI, Trésor) pour accroitre l’échange d’informations, par le renforcement des structures de vérification pour une meilleure perception des droits de douane, par le biais de l’accord des échanges d’informations entre les autorités douanières de la République dominicaine et d’Haïti pour lutter contre la contre- bande, par l’accélération des processus de partage d’informations entre la DGI, l’Office Nationale d’identification (ONI) pour l’identification des contribuables et par le renforcement du mécanisme de suivi pour le versement des créances des organismes autonomes au trésor public.
Les orientations du Budget sont contenues dans la lettre de cadrage qui est une lettre circulaire adressée aux ordonnateurs de l’administration de l’Etat, à savoir les institutions qui émargent au Budget de l’Etat.
La mise en œuvre de la politique et de réformes c’est surtout le renforcement de la gouvernance et du climat sécuritaire dans le pays par le renforcement des procédures d’octroi de marchés publics dans le cadre de l’attribution des contrats des marchés publics, par la mise en œuvre du décret établissant l’obligation de présenter les informations permet- tant d’identifier les bénéficiaires effectifs des Marchés Publics et des concessions, et de l’arrêté fixant les seuils de passation de Marchés publics en dessous des seuils d’intervention de la commission Nationale des Marchés Publics (CNMP), par la finalisation et la publication de la CSCCA du rapport de l’audit des dépenses Covid-19, par le renforcement de la capacité opérationnelle des forces de l’ordre pour lutter contre le banditisme et la prolifération des gangs armés, par le renforcement de la capacité de l’Administration Générale des Douanes (AGD) à travers l’acquisition d’équipements modernes de manière à freiner l’importation illégale d’armes à feu et de munitions dans le pays, par le renforcement de la capacité d’intervention de la protection civile, et par l’attribution d’une carte d’identification nationale à tous les enfants scolarisés.
La mise en œuvre de politique et de réformes c’est aussi le renforcement des programmes de protection sociale par l’accélération du processus visant l’adoption du Plan d’Actions Prioritaires de la PNPPS, par l’extension de la couverture de la base de données des personnes vulnérables liée au système d’informations du Ministère des Affaires Sociales et du Travail (SIMAST), par la finalisation de l’étude sur les mécanismes de migrations de risque social liés à la réforme de la subvention des produits pétroliers, et par le renforcement de la lutte contre la traite des personnes
En ce qui concerne le renforcement des actions pour diminuer le risque de résurgence de la pandémie Covid-19, la mise en œuvre passera par l’intensification de la campagne de vaccination.
En somme, le gouvernement prévoit une augmentation de 0.3% du PIB, un taux de pression fiscale de 6,4% contre 5,7% au cours de l’exercice fiscal précédent, un taux d’inflation révisé à 27,3% en glissement annuel contre 13% pour l’exercice précédent et un niveau de financement de la BRH révisé à la baisse (10%) par rapport à celui de l’exercice 2020-2021.

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