Le mécanisme Covax tourne à faible régime

S’il existe encore un mot pour décrire la répartition des vaccins anti-Covid-19 dans le monde c’est bien une «inégalité» criante entre pays riches et ceux à faible revenu. Au premier moment de la pandémie, les premiers se sont lancés dans une course effrénée dans la recherche du vaccin. Puis vinrent les essais et les homologations. L’efficacité des vaccins varie d’un pays à un autre. Mais l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) s’en est chargée avec ses forces et ses faiblesses. Le système Covax est censé permettre à 92 États et territoires défavorisés de recevoir gratuitement des vaccins financés par des nations plus prospères.
Le 14 juillet de l’année en cours Haïti avait reçu quelque 500 000 doses de vaccins COVID-19 donnés par les États-Unis par le biais du mécanisme COVAX. Notre pays était le quatrième de la région à recevoir ces dons, après le Honduras, le Salvador et la Bolivie, avec un total de 4.008.000 doses livrées à cette date. Début septembre 2021, hormis des problèmes de stratégies vaccinales en Haïti, dans des pays d’Afrique, en Amérique latine ou dans d’autres territoires devant bénéficier du mécanisme, la disponibilité insuffisante du vaccin est à déplorer.
Les fondateurs de Covax dénoncent régulièrement l’inégalité criante dans l’accès à la vaccination entre les populations des pays pauvres et celles des pays riches. Dans un communiqué conjoint, ils ont souligné que l’inégalité d’accès reste «inacceptable», avec seulement 20 % des habitants des pays à revenu faible et moyen inférieur qui ont reçu une première dose de vaccin, contre 80 % dans les pays à revenu élevé et moyen supérieur.
Pour sa part, Covax n’a pour le moment pu distribuer que 243 millions de doses dans 139 pays défavorisés, a indiqué en conférence de presse Ann Ottosen, de la division des approvisionnements du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), en conférence de presse. «La plupart des pays du monde ont maintenant reçu des doses de Covax. Ce n’est que le début», a assuré pour sa part le Dr Seth Berkley, qui dirige Gavi. «Nous prévoyons de disposer de 1,1 milliard de doses supplémentaires à livrer d’ici la fin de l’année», a-t-il annoncé.
Selon ses dernières prévisions publiées le mercredi 7 septembre 2021, Covax espère disposer d’un total de 1,425 milliard de doses en 2021, alors que le système tablait initialement sur deux milliards. Covax espère désormais atteindre cette échéance au premier trimestre de 2022. Les pays pauvres participant à Covax recevront la grande majorité des plus de 1,4 milliard de doses cette année (1,2 milliard), «ce qui est suffisant pour protéger environ 20 % de la population, soit environ 40 % des adultes de ces pays, sans prendre en compte l’Inde», a expliqué M. Berkley.
Mais avant tout, soyons de bonne foi : les intentions qui ont sous-tendu la création du mécanisme COVAX étaient plutôt louables. À l’été 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a pris les choses en main pour promouvoir un accès équitable aux doses de vaccins dans un effort sincère pour éviter un monde à deux vitesses dans la lutte contre le Covid-19.
L’idée était de mettre en place un mécanisme collectif pour mener les négociations avec les laboratoires fabriquant les vaccins et ainsi éviter une envolée des prix dans un contexte de crise suscitée par une très forte demande.
Pour parler crûment : d’un côté, plusieurs milliards de doses étaient/sont nécessaires, et de l’autre, les chaînes d’approvisionnement existantes étaient/sont insuffisantes. L’hypothèse, alors, était qu’un mécanisme multilatéral puissant permettrait de réguler efficacement la demande, tout en respectant la stratégie de l’OMS sur l’établissement de priorités en matière de vaccination.
Au début de la pandémie, tous les pays étaient initialement concernés par le COVAX, indépendamment de leur revenu. Dire que cette approche équitable n’a pas survécu au protectionnisme mondial serait un euphémisme. Dès février 2021, la grande majorité des rares doses de vaccins disponibles avaient été précommandées par la poignée de pays pouvant se le permettre, sur fond d’accords bilatéraux. Malgré les grands espoirs placés dans le mécanisme COVAX, son utilisation concrète a rapidement accusé un retard important comme l’a attesté le faible volume de pré-commandes passées via ce canal. Les États les plus puissants sur le plan économique n’ont pas tardé à faire cavalier seul, préférant négocier directement avec les laboratoires. Cela a eu pour effet de modifier la physionomie initiale du dispositif, et COVAX s’est transformé en un instrument d’aide destiné exclusivement aux pauvres.
Dans cette course à la vaccination, COVAX aura donc manqué à la fois d’une impulsion claire de sa gouvernance et d’une capacité financière indépendante pour se donner les moyens de naviguer sereinement dans une arène géopolitique clairement dominée par les pays où les fabricants de vaccins sont établis.

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