L’éducation, victime d’une crise tripartite
Fixée initialement au 5 septembre, reportée au 3 octobre, la rentrée des classes 2022-2023 n’a jamais été aussi dans l’impasse en Haïti. L’école fonctionne pour ainsi dire en catimini. Aucun élève en uniforme n’est remarqué dans les rues, le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) joue aux abonnés absents. Une fois de plus, le système éducatif haïtien est pris en otage par les multiples crises que traversent le pays depuis tantôt trois (3) mois.
«Suite aux décisions adoptées en Conseil de Gouvernement, le vendredi 26 août 2022, portant, entre autres, sur la rentrée scolaire, le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) porte à la connaissance du public en général et de la communauté éducative en particulier que la rentrée des classes pour l’année académique 2022-2023 est désormais fixée au lundi 3 octobre 2022», pouvait-on lire dans une note rendue publique par le MENFP, peu avant la première échéance du 5 septembre dernier.
Si la date du 5 septembre n’a pas été respectée, celle du 3 octobre ne l’a pas été non plus. Au moment de faire le bilan de l’année scolaire 2022-2023, qui pourra dire avec certitude quand la rentrée des classes officielle a eu lieu sur toute l’étendue du territoire national?
Éducation en crise dans un pays en crise
Haïti subit actuellement la crise politique, sociale et économique la plus grave de son histoire. Une crise qui a touché toutes les composantes de la société et déréglemente leur fonctionnement, dont notre système éducatif, au point où elle constitue jusqu’ici un blocage à la réouverture totale des classes. Ce qui de toute évidence, représente un coup dur pour ce système qui a déjà été frappé par diverses autres crises telles que : la pandémie coronavirus, les pays “locks” entre autres.
L’éducation, instrument de survie à l’ère de la compétitivité mondiale, est dysfonctionnée en Haïti et représente la principale victime d’une crise qui déstructure toute une société. Le système éducatif haïtien qui fonctionnait déjà sous des bases assez fragiles avec notamment beaucoup d’imperfections et de lacunes se voit encore une fois peinée. Les facteurs qui ont conduit à cette crise sont, pour l’essentiel, dans le goulot d’étranglement d’un état qui n’a pas pu gérer efficacement la vie politique, économique et sociale de ses citoyens. Cette situation de blocage qui résulte donc de la mauvaise gestion des dirigeants cause certainement de nombreux torts au pays dans le cadre de son développement mais surtout la destruction massive du capital humain.
Les attentes du peuple et son désir d’atteindre ses buts sont entrés en collision avec l’immobilité institutionnelle. Face aux nombreuses incertitudes qui planent sur l’avenir, plus d’un s’interroge sur ce que sera le monde des enfants et des petits-enfants, avec cette prise d’otage du système éducatif haïtien et l’instrumentalisation de l’école en Haïti.
Des responsables d’écoles montent au créneau
Face à la situation, plusieurs responsables d’écoles appellent tous les acteurs de la vie nationale à trou- ver une solution au plus vite pour la reprise des classes, dont l’Association Professionnelle d’Écoles Privées (APEP). La présidente de la structure, Marie Margueritte B. Clérié qui a intervenu à l’émission panel magik sur magik 9, le vendredi 28 octobre 2022, exprime son exaspération, constatant l’assujettissement du système éducatif haïtien à cette crise.
«L’éducation est traitée en parent pauvre en Haïti», s’insurge-t-elle. Près de cinq millions d’enfants sont privé de leur droit sacré à l’éducation, alors que les autorités et les différentes couches de la société restent insensibles. Une attitude que madame Clérié dénonce vivement en appelant les responsables à une prise de conscience.
Une note publiée par l’APEP exige au gouvernement de faire preuve de courage et de volonté pour sanctionner tous ceux qui représentent un danger pour la paix sociale et qui troublent l’ordre public. La présidente s’en prend à toutes les couches qui ne garantissent pas la sécurité des élèves notamment les politiciens de l’opposition, à travers les manifestions sans cesse tenues et les policiers qui lancent du gaz lacrymogène affectant les enfants, entre autres. Madame Clérié regrette que l’éducation soit reléguée au second rang en Haïti. Elle plaide pour une meilleure cohésion sociale, l’unité des citoyens responsables, qui doivent nécessairement passer par l’éducation.
Par ailleurs, des responsables du syndicat du système éducatif dont REEH, CNEH, GaiEL, FENATEC, LINEH et des étudiants de l’école normale dans une conférence de presse réalisée le mercredi 26 octobre 2022, ont eux aussi fixé leur position face à la crise. Ils réclament entre autres la reprise des classes et le payroll des enseignants.
De leur côté, des responsables de la Direction départementale du MENFP/ Nord-Est, des représentants d’écoles publiques et privées, des représentants de la justice et des organisations de la société civile du département Nord-Est, se sont rencontrés le lundi 31 octobre 2022 à Fort-Liberté, autour d’une table de concertation en vue de trouver une solution de sortie de crise, pour permettre le retour en salle de classe des élèves dudit département.
Sans tambour ni trompette, la rentrée des classes se fait graduellement sur le territoire national. Dans les zones reculées et dans certaines villes du pays, depuis tantôt 3 semaines, des élèves ont repris le chemin de l’école. À la cloche de bois. Lundi 28 novembre, le journal Le Nouvelliste, a fait le constat de cette même tendance à Port-au-Prince.
Le pourcentage des écoles qui fonctionnent en Haïti, en date du lundi 28 novembre 2022, est de 34,33 %, a communiqué au journal Le Nouvelliste, le ministre de l’Education nationale, Nesmy Manigat, qui y voit une progression continue puisque, selon lui, au 24 novembre, le pourcentage était de 20,39 %.
Selon le titulaire du MENFP, dans le département de l’Ouest où l’on compte 14 districts scolaires, 31,06% des établissements ont ouvert leurs portes. Les départements du Nord et du Nord’Est enregistrent, jusqu’à date, les plus faibles scores. «8,14 % des écoles fonctionnent dans le Nord. Et dans le Nord’Est, le pourcentage est de 6,22%», a détaillé le ministre.
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