L’émergence de la banque mobile et du paiement électronique en Haïti
Le développement du portefeuille mobile, de la banque en ligne et du paiement électronique, très répandus à travers le monde, est le résultat de l’évolution des technologies de l’information et de la communication, de la téléphonie mobile, des smartphones, de l’internet de même que des besoins des consommateurs en matière de commodité et de rapidité. Ces innovations ont transformé les moyens de paiement, offrant plus de flexibilité, de sécurité et une meilleure accessibilité aux services financiers, en particulier dans les pays en développement. Haïti, en dépit des retards affichés au niveau des infrastructures de base, n’est pas réfractaire à l’émergence et au développement du portefeuille mobile, de la banque en ligne et du paiement électronique. Le document d’information de la BRH sur le système de paiement en Haïti, sorti en aout 2024, en a fait le constat.
Depuis l’ère néolithique, où les hommes pratiquaient le troc comme moyen d’échange, en passant par les coquillages, les métaux précieux, jusqu’à l’apparition des pièces de la monnaie au VIIᵉ, le monde financier ne s’est jamais arrêté de chercher de nouveaux moyens de paiement. Une façon de simplifier les transactions, de les rendre plus rapides sans porter préjudice à la sécurité de la circulation monétaire. Ainsi, depuis des lustres, le numéraire, l’argent cash, le billet de banque s’est illustré comme principal moyen de paiement de l’ère moderne.
Avec l’avènement des TIC et des fintechs s’en est suivi un processus de dématérialisation du numéraire qui subit très fortement la concurrence de la carte de crédit, des transferts et paiements réalisés à partir des technologies numériques. La disparition imminente du cash qui se profile à l’horizon est, sans conteste, le fruit de l’introduction pertinente du numérique dans le domaine financier. Grâce à cette découverte, aujourd’hui même en Haïti, on parle agréablement des bienfaits du portefeuille mobile, de la banque en ligne et du paiement électronique.
En effet, selon les données fournies par la Banque de République d’Haïti dans son Document d’information sur le système de paiement en Haïti, les portefeuilles mobiles ont été introduits en Haïti au cours de la période post-séisme de janvier 2010. Ce cataclysme naturel a occasionné la destruction d’environ 30 % des structures physiques des banques. Cela a poussé les compagnies de services de téléphonie mobile s’activant dans le pays à développer des partenariats avec les banques commerciales en vue de proposer à leurs abonnés des plateformes de services de paiement, leur permettant ainsi de réaliser des transactions financières.
Ces changements ont été rendus possibles grâce au fort taux de pénétration de la téléphonie mobile dans le pays. Toutefois, la « fracture numérique », l’écart entre les personnes ayant accès aux TIC et celles qui en sont privées, est de nature à ralentir l’essor des méthodes de paiement via les supports mobiles. Cela inclut l’accès à Internet, aux ordinateurs, aux téléphones intelligents et aux compétences numériques nécessaires pour utiliser efficacement ces technologies. Cette disparité est due à des facteurs économiques, géographiques (milieux urbains, milieux ruraux), éducatifs ou sociaux.
Aujourd’hui, lit-on dans le Document d’information de la BRH, les établissements bancaires ont procédé à des mutations assez considérables en termes de fourniture de services financiers, s’appuyant sur des infrastructures technologiques spécialement développées à cet effet. La quasi-totalité des banques du système ont mis en œuvre des applications permettant d’accéder à une variété de services en ligne, y compris les services de paiement.
De façon formelle, on dénombre à date cinq principaux fournisseurs de services de paiement électronique qui sont : MonCash (Unigestion Holding S.A.) ; Natcash (Société National Telecom S.A.) ; KashPaw (Kiskeya Technologies Group) ; MAGO (Sogebank S.A.) ; HaitiPay S.A.
Le système de paiement haïtien intégré au système financier mondial
Le système de paiement haïtien est relié au reste du monde grâce à un réseau de banques correspondantes situées à l’étranger. Ces relations entre les établissements financiers internationaux et les institutions financières haïtiennes facilitent le financement des échanges commerciaux entre Haïti et ses partenaires.
Ces transactions sont facilitées par le système de paiement SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications), qui réalise les mouvements financiers transfrontaliers entre les institutions financières, à l’échelle mondiale, informe le document de la Banque centrale haïtienne.
Implications de la BRH dans le processus de modernisation du système de paiement en Haïti
Dotée du mandat d’assurer l’efficacité, le développement et l’intégrité du système de paiement, la Banque centrale haïtienne joue un rôle prépondérant dans le processus de modernisation de ce système. Ce processus de modernisation du système de paiement a nécessité trois actions majeures de la part de la BRH, à savoir :
– la mise en place en 2007 du système de paiement interbancaire haïtien (SPIH). Ce dispositif permet le transfert électronique, rapide et sécurisé de fonds (gourdes ou devises) entre les comptes bancaires d’agents économiques de différents participants au système, à des tarifs abordables.
Les paiements par SPIH peuvent se faire pour un bénéficiaire unique ou pour plusieurs bénéficiaires d’une même banque et offrent plusieurs avantages. De plus, les règlements le concernant ont un caractère irrévocable. L’utilisation accrue du SPIH favorise une meilleure gestion de la liquidité. En effet, en variant de 3,76 % à 49,09 % de 2021 à 2023 respectivement, cette utilisation croissante du SPIH (en gourdes) a contribué à la diminution graduelle du poids de la circulation fiduciaire dans l’économie. Par conséquent, la prépondérance de la monnaie scripturale dans l’ensemble de la masse monétaire s’est renforcée, note le Document d’information de la BRH.
– Le lancement en 2012 du Processeur National de Paiement (PRONAP). Ce processeur est conçu pour traiter les transactions nationales, gérant les autorisations de paiement par divers moyens comme les cartes de débit et les paiements mobiles, et assurant la liaison entre les différentes banques et institutions financières. À travers PRONAP, la BRH met en place des mesures de sécurité pour protéger les transactions contre les fraudes et les cyberattaques, et garantit l’interopérabilité entre les divers moyens de paiement et les différents acteurs financiers, créant des transactions fluides entre les différentes plateformes, sans obstacle technique. Un autre aspect avantageux de l’interopérabilité dans l’utilisation des produits et services financiers consiste à permettre à un individu détenteur d’une carte de débit d’un établissement financier A de pouvoir l’utiliser à partir des terminaux et autres dispositifs technologiques (comme les distributeurs automatiques de billets – ATM) d’un établissement financier B.
PRONAP vise également à faciliter l’inclusion financière, à améliorer l’efficacité des transactions, à offrir plus de commodités aux utilisateurs et à promouvoir les moyens de paiements électroniques pour réduire la dépendance au numéraire. Les consommateurs de services financiers pourront choisir d’intégrer un réseau monétique local existant. De plus, la plateforme encourage l’émission de cartes de paiement par toutes les institutions financières habilitées telles que les banques, les caisses populaires, les coopératives d’épargne et de crédit, les autres entités de la chaîne de valeur de paiement et favorise l’introduction de nouveaux « intervenants », comme les fournisseurs de service de paiement avec les « fintechs », dans le paysage des paiements par cartes.
– L’introduction en 2013 du système de compensation et de règlement. Grâce à ce système, les délais de compensation sont passés de cinq à deux jours. Les chèques présentés dans le cadre de ce système sont échangés sous forme dématérialisée, dès que les institutions financières sont en mesure de mener toute vérification nécessaire avant de procéder à leur paiement.
Les avantages de l’émergence du portefeuille mobile, de la banque en ligne et du paiement électronique sont légion, selon Worlremit.com. Aux utilisateurs, ces solutions numériques offrent une commodité notable (paiements rapides et accessibles), une sécurité accrue (chiffrement, authentification), des coûts réduits, une meilleure gestion financière et une inclusion financière élargie, en particulier dans les zones où les services bancaires traditionnels sont limités. Elles permettent des transactions instantanées, une disponibilité 24 h/24 et 7 j/7 grâce aux smartphones. Aux banques et aux commerçants, elles offrent un avantage concurrentiel en leur permettant d’atteindre une clientèle plus large.
Tout compte fait, l’émergence et le développement du portefeuille mobile, de la banque et du paiement électronique ont ouvert un tunnel assez large vers l’inclusion financière tant souhaitée en Haïti et surtout vers le développement économique du pays. Malgré les défis liés à une infrastructure bancaire encore en développement et à une forte prévalence des transactions en espèces, le pays a réalisé des progrès notables vers la modernisation de ses méthodes et moyens de paiement.
L’adoption croissante des cartes de paiement et des portefeuilles mobiles, ainsi que l’évolution vers des services bancaires en ligne, témoignent d’une transformation progressive du paysage des paiements en Haïti. Ces changements contribuent à la fois à améliorer l’accessibilité et la sécurité des transactions financières, et à favoriser une meilleure gestion de la liquidité et une plus grande inclusion financière.
Ainsi, le renforcement continu du système de paiement haïtien, soutenu par des initiatives technologiques innovantes et des réformes institutionnelles, est essentiel pour stimuler la croissance économique et le développement durable du pays, selon les vœux de la Banque centrale haïtienne.
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