Éditorial

L’endettement public, cet ennemi de l’investissement productif et social en Haïti!

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La réalisation des Objectifs de Développement Durables (ODD) exige des investissements considérables dans les infrastructures, le capital humain, le social et la résilience climatique. Or, dans les pays en développement, les gouvernements font souvent face à des moyens limités pour mobiliser les recettes publiques. Les investissements privés aussi se font rare à cause de multiples problèmes d’infrastructures, de sécurité et de compétitivité.

En ce sens, le recours à l’endettement joue un rôle essentiel pour le développement et la croissance. Cependant, des niveaux insoutenables de l’endettement fragilisent la croissance et pénalisent les pauvres et les extrêmement pauvres. La dette a ce double caractère en ce qu’il peut être un outil de développement mais aussi de piège socio-économique. À condition d’être investie dans des secteurs à forte capacité multiplicatrice qui peut entrainer d’autres secteurs dans un cycle vertueux de productivité, la dette peut être un levier de développement.

ll est aussi capital de mentionner que sa gestion transparente est une condition fondamentale pour en faire un instrument de développement. Conjuguée avec la corruption, la dette débouche sur la double peine d’insoutenabilité financière et de gaspillage. Ces peines peuvent freiner les investissements publics et privés, accroître la pression budgétaire, réduire les dépenses sociales et limiter les capacités du gouvernement à mettre en œuvre des réformes à long terme.

En Haïti, le problème de la dette est consubstantiel avec l’histoire économique du pays. Elle est l’un des canaux d’extraction d’acteurs mal intentionnés qui ont contribué à l’appauvrissement systématique de la nation haïtienne. La dimension historique de la dette publique haïtienne est incontournable pour comprendre le mal haïtien actuel. À travers toute l’histoire d’Haïti, la dette a été l’un des obstacles à une véritable politique publique de la valeur susceptible de résoudre les problèmes d’efficience, d’équité ou de justice sociale.

Aujourd’hui en 2023, les finances publiques haïtiennes ne s’en remettent pas du problème de l’endettement public. Dans le budget de l’exercice fiscal 2022-2023, le service de la dette publique dispose de l’incidence budgétaire (% de l’enveloppe budgétaire global) la plus élevée parmi tous les postes budgétaires. En effet, le service de la dette publique représente 13.74% du budget total du gouvernement haïtien en 2022-2023, soit un montant de 36.7 milliards de gourdes. Ce montant fait plus le triple des crédits budgétaires alloués à la santé.

Ainsi, des fonds qu’Haïti pourrait investir dans la production alimentaire nationale par exemple servent-ils à payer les intérêts de la dette, ce qui contribue sans grande surprise à accroître la faim et entamer le sabotage de l’ingénierie sociale et donne lieu à la situation cauchemardesque (pullulement des gangs, insécurité généralisée, explosion des cas de kidnapping, troubles sociopolitiques à répétition, etc.) à laquelle nous assistons tous impuissants.

En situation de famine avérée, il n’est pas rare que la communauté internationale accoure à notre chevet. Au lieu de renforcer les capacités du pays en achetant directement aux agriculteurs haïtiens, la nourriture qui est distribuée dans le cadre de l’aide humanitaire internationale est également importée. Illustrant parfaitement l’expression «tomber de Charybde en Scylla» au sens que le service de la dette prive le secteur agricole des investissements nécessaires tandis qu’il est rarement sollicité dans le cadre de distribution d’aides alimentaires.

Par ailleurs, la situation des finances publiques actu- elles montre qu’il y a une urgence de réduire la part de la dette publique dans le budget afin d’avoir plus de marges pour investir dans le social et la productivité. La priorité doit être mise sur une gestion transparente pour que tout nouvel emprunt contribue à la croissance et l’installation d’un environnement propice à l’investissement. Il faut établir tout un logiciel transparent et incitatif pour résoudre les problèmes d’asymétrie d’information et de recherche de rentes qui existent dans l’écosystème de l’endettement public haïtien.

En étant bien informés par les dirigeants sur les acteurs impliqués dans la dynamique d’utilisation des fonds publics, les citoyens haïtiens pourront plus facilement réclamer des comptes.

DevHaiti

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