Les conseils de Serge Petit-Frère aux entrepreneurs haïtiens

Nous publions ci-après cette interview réalisée avec Serge Richard Petit Frère à l’occasion de la sortie de son ouvrage « Entreprendre un choix, une responsabilité ».
1. (DH): Pouvez-vous préciser pour le lectorat de DevHaiti qui est Serge Richard Petit Frère ?
R. (SPF) : Avant toute chose, je suis un mari, un papa, un fils, un frère. La famille prend une place importante dans ma vie. Je suis un professionnel du Management avec une spécialisation en Entrepreneuriat et Développement de projet. J’ai, durant ces 20 dernières années, été versé dans l’accompagnement et la création d’entreprise. Je suis également professeur à l’Université où j’enseigne l’entrepreneuriat et le Marketing. J’ai eu l’opportunité d’enseigner également au niveau scolaire car durant ces dix dernières années, j’ai monté un programme d’Entrepreneuriat scolaire dans un collège de la capitale. J’ai eu à saisir certaines opportunités en montant des entreprises commerciales et de services. Je suis un rotarien, soucieux des problèmes de sa communauté et je suis un haut cadre d’une institution financière accompagnant majoritairement les PMEs haïtiennes.
2. (DH) : Quelles sont les motivations à l’origine de la publication de cet ouvrage ?
R. (SPF) : L’envie de transmettre. Je tiens cela sûre- ment de mon feu père (rire). Mais plus précisément, la réflexion a débuté avec un projet d’enseigner l’Entrepreneuriat en utilisant les dessins animés. Donc de manière ludique et simple. Mais j’ai réalisé qu’il était plus probable d’atteindre cet objectif en écrivant un ouvrage compte tenu des ressources auxquelles j’avais accès.
3. (DH) : En quoi l’ouvrage « Entreprendre, un choix une responsabilité » peut-il être utile aux entrepreneurs dans la situation actuelle de crise et de récession économique?
R. (SPF) : Je pense que la relation entre l’entrepreneuriat et le développement est évidente. Ce dernier, n’est que la résultante d’une croissance soutenue, souvent amenée par la richesse créée par les entreprises. Aussi, devient-il important de favoriser l’émergence d’entrepreneurs pouvant monter des entreprises compétitives et pérennes. C’est dans cette perspective que j’ai voulu proposer aux acteurs de l’écosystème entrepreneurial, une approche simple et ludique lorsqu’ils abordent les différents concepts liés à la création d’entreprises.
Sortir de cette crise aussi prend un changement d’attitude. J’ai donc abordé dans mon livre les aspects permettant à tout entrepreneur de mieux se connaitre tout en développant une attitude de perturbateur tourné vers la recherche de solutions.
4. (DH) : Dans la section 3 du livre, vous soumettez aux lecteurs un test d’aptitude entrepreneurial, et les différentes réponses du test d’une manière ou d’une autre nous conduisent à une réponse positive, avec certainement plus de précautions et de conseils pour les uns par rapport aux autres. Est-ce une manière comme une autre de signifier que tout le monde peut être entrepreneur?
R. (SPF) : Vous avez parfaitement compris la démarche. En effet, en invitant les lecteurs à prendre ce test d’aptitudes, ils sauront mieux préciser leurs choix car ils connaîtront leurs forces et leurs faiblesses tout en comprenant qu’entreprendre demeure une initiative collective. Tout le monde peut entreprendre mais pas dans les mêmes conditions. Nous sommes tous différents prises compétitives et pérennes. C’est dans cette perspective que j’ai voulu proposer aux acteurs de l’écosystème entrepreneurial, une approche simple et ludique lorsqu’ils abordent les différents concepts liés à la création d’entreprises.
5. (DH) : En référence à la section 4 traitant de la faisabilité du projet, il est surtout question d’évaluer les risques. Comment évaluer efficacement les risques dans notre environnement en constante mutation où ils ont tendance à se démultiplier quasi-quotidiennement ? Les entre- prises qui ont fait faillite, direz-vous que c’est par faute d’une mauvaise évaluation des risques ou y a-t-il d’autres facteurs à prendre en compte?
R. (SPF) : Dès qu’on entreprend, nous prenons un risque spéculatif. C’est-à-dire nous faisons un choix conscient sachant clairement que nous pouvons échouer ou réussir. Ainsi, je suis convaincu qu’une bonne analyse du risque peut effectivement aider une entreprise à ne pas connaître la faillite. Certains risques peuvent être évalués facilement, d’autres peuvent requérir des compétences spéciales. Alors, je recommanderais à tout entrepreneur de bien s’entourer afin de bien évaluer les risques.
6. (DH) : Pouvez-vous expliquer avec plus de détails quelle différence vous établissez entre les deux concepts suivants : entreprise ancienne et entreprise pérenne ?
R. (SPF) : Avant de faire clairement la différence, je voudrais préciser qu’une entreprise pérenne est celle qui a les atouts pour défier les injures du temps et, tout en étant agile, jouir d’une certaine ancienneté. L’entreprise ancienne peut devoir son ancienneté à une situation ponctuelle ou anormale. Mais dans le cadre de mon livre, la différence pour moi se trouve dans l’articulation du modèle d’affaires de l’entreprise.
Une entreprise pérenne jouit d’une structure forte et bien bâtie. Ses services répondent aux besoins de sa clientèle, elle respecte majoritairement la régulation de son secteur d’activité, elle s’intègre dans sa communauté. Elle favorise le vivre ensemble tout en étant compétitive et transparente. Elle ne jouit d’aucune faveur et exclut le recours à toute pratique illicite dans son quotidien. De manière globale, elle peut être modélisée.
Ce qui n’est pas le cas pour beaucoup d’entreprises que j’ai observées dans l’écosystème entrepreneurial haïtien qui jouissent d’une relative ancienneté.
7. (DH) : A quel niveau estimez-vous la question de couleur et celle des origines sociales peuvent être un facteur déterminant dans la conduite des projets à caractère entrepreneurial?
R. (SPF) : En fait, ces facteurs ne devraient déterminer en rien la réussite d’un projet à caractère entrepreneurial. Cependant, en Haïti, ils empêchent une collaboration franche et sincère entre tous les acteurs de l’écosystème entrepreneurial indépendamment de leur teinte épidermique ou classe sociale. Or, ce type de collaboration favoriserait grandement la mise sur pied de projets ambitieux et à fort impact.
8. (DH) : Quel est donc votre message en ce sens aux aspirants entrepreneurs tout en sachant que leur origine sociale peut causer l’échec de leur projet d’entreprise ?
R. (SPF): Se défaire de ces clichés, changer de paradigme et oser entreprendre ensemble.
9. (DH) : Quelles sont les pistes que vous donnez aux futurs et actuels entrepreneurs pour les aider à faire face aux défis structurels comme le difficile accès au crédit (capital), l’inflation, l’insécurité, etc. ?
R. (SPF) : Dans d’autres environnements, il existe d’autres défis. L’attitude à adopter est celle d’être à l’écoute de son environnement afin de pallier les menaces et saisir les opportunités.
L’accès difficile au crédit, en ce qui me concerne, peut facilement être résolu en améliorant la qualité des projets présentés aux institutions financières. C’est un faux problème. Cependant, je n’exclus pas que ces institutions puissent initier certaines innovations financières pour en favoriser l’accès.
Mais, il faudrait aussi que les entrepreneurs comprennent qu’ils ont leur part de responsabilité dans l’amélioration de l’environnement dans lequel ils évoluent. Aussi, sont-ils tenus de monter des entre- prises respectueuses des normes, ancrées dans leurs communautés et intégrant la notion de Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) dans leur modèle d’affaires.
10. (DH) : Quelles sont les raisons pour lesquelles une personne devrait se procurer votre ouvrage?
R. (SPF) : Parce que sa lecture peut vous permettre de mieux préciser vos choix lorsque vous souhaitez enta- mer un projet entrepreneurial ou tout simplement vous permettre d’être un agent économique tourné vers la recherche constante de solutions, que vous soyez entrepreneur ou professionnel.

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