Les dessous du Budget 2021-2022

Avec la publication du nouveau Budget, le gouvernement haïtien vise, entre autres, le rétablissement d’un climat politique et sécuritaire serein pour faciliter la tenue des élections en vue du renouvellement du personnel politique ; la mobilisation des ressources domestiques de manière à être moins dépendant de l’aide externe et aussi rétablir l’équilibre budgétaire. Pourtant l’analyse du document laisse planer des doutes sur l’atteinte de ces objectifs.
A quatre mois de la fin de l’exercice fiscal en cours, le ministère de l’Economie et des Finances a publié la Loi de finances pour l’exercice 2021-2022 qui prendra fin le 30 septembre 2022. Les ressources du Budget général de l’exercice fiscal 2021-2022 s’élèvent à 210,5 milliards de gourdes (soit 9,1% de hausse par rapport à l’exercice précédent), dont 57 % de recettes domestiques. Des 120,1 milliards de recettes, 59,3% (soit 71,2 milliards) proviennent des recettes internes et 40,7% (soit 48,8 milliards) de recettes douanières. Ces recettes fiscales doivent connaitre une augmentation de 33% par rapport à la collecte de l’exercice précédent.
Le nouveau budget, publié le 16 mai 2022 dans le journal officiel Le Moniteur, prévoit un taux de pression fiscale estimé à 6% contre 5,7% pour l’exercice antérieur ; des dépenses totales estimées à 9,1% du PIB contre 7,4% en 2020-2021 ; des émissions nettes de trésorerie de 12,48 milliards de gourdes contre 5,6 milliards de gourdes pour l’exercice antérieur ; un niveau de financement monétaire de 46,47 milliards de gourdes soit 17,8% de moins que l’exercice précédent.
Les dépenses courantes sont de l’ordre de 141,9 milliards de gourdes. Une hausse de 17,2% par rapport à l’exercice précédent. Cette hausse substantielle s’explique essentiellement par les salaires 66,8 milliards (+11,8%) et à la prise en compte de la subvention des produits pétroliers de 20,1 milliards de gourdes. Pourtant les dépenses de biens et services reculent de 2,6%. En outre, les dépenses de subventions sont en nette progression de 79,7% en raison notamment de la prise en compte de la subvention des produits pétroliers (20,1 milliards de gourdes).
L’économiste Enomy Germain n’y est pas allé de mains mortes pour formuler cinq remarques relatives à la récente loi de finances. Le budget arrive tardivement après l’écoulement des 2/3 de l’exercice fiscal, soit plus de huit mois. Le budget 2021-2022 n’est pas réaliste, selon les analyses du P.D.G de la firme Pro-Eco qui se dit pessimiste quant à la capacité de l’Etat haïtien à mobiliser 210 milliards de gourdes sur un exercice. Troisième remarque: Enomy Germain constate que la Banque de la République d’Haïti (BRH) se mue en béquille financière de l’Etat haïtien avec le financement monétaire de 46,4 milliards de gourdes, c’est -à-dire 22% de l’enveloppe budgétaire totale. Cela implique une hausse de l’inflation et du taux de change.
Les finances publiques trainent le lourd fardeau de la dette publique qui a un poids de 15,9% dans le Budget. C’est le poste le plus important du Budget. Aucune institution n’a de crédit budgétaire plus important que celui de la dette. Enfin, Enomy Germain, à travers le document budgétaire, remarque que dans ce dernier les crédits du ministère des Affaires social et du Travail augmentent de 240% tandis que ceux du ministère de l’Agriculture des Ressources naturelles et du Développement rural baissent de 12,5%.

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