Économie

Les diasporas peuvent jouer un rôle dans le développement socio-économique de leurs pays d’origine

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Selon les données du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en 2022, les pays en développement ont reçu 245 milliards de dollars américains d’aide publique au développement (APD) incluant l’aide de tous les fournisseurs officiels (organisations non-membres du CAD et organisations multilatérales). Pourtant, selon la Banque mondiale, les envois de fonds vers les pays à revenu faible et intermédiaire auraient atteint 669 milliards de dollars en 2023.

Un article de Ninna Nyberg Sørensen, intitulé «Envois de fonds des migrants (es), développement et genre» publié sur le site Open edition, cite des rapports qui évaluent le montant des transferts à une fois et demie celui de l’aide au développement officielle, soit une somme supérieure aux flux des marchés financiers, et équivalente à plus de la moitié des investissements directs étrangers dans les pays en développement. Selon l’auteur, ce sont les pays appartenant à la tranche inférieure des pays à revenus intermédiaires qui semblent recevoir les sommes les plus importantes, mais, pour les pays à revenus faibles, les envois de fonds peuvent représenter une part bien plus importante des flux de capitaux internationaux. Il juge les envois de fonds des migrants importants pour le développement au point qu’ils sont réputés plus stables que les flux de capitaux privés et moins influencés par l’évolution des cycles économiques.

La majeure partie des transferts, ajoute l’auteur, est constituée par les envois de fonds individuels, effectués par des individus migrants ; une plus petite fraction est envoyée sous la forme de ransferts de fonds collectifs ou de donations faites par des groupes de migrants par l’intermédiaire de communautés ou d’associations religieuses.

Il est reconnu que les fonds de la diaspora jouent un rôle crucial dans la survie des individus, des familles tet des communautés pauvres à travers le monde. Les constats montrent que ces fonds servent surtout à la consommation des familles et à des investissements individuels dans les pays d’origine. «Est-il vraiment réaliste de vouloir faire reposer sur les épaules d’une diaspora la responsabilité du développement ou de la reconstruction d’un pays?», se demandaient des participants à une table ronde, en 2005, organisée par le Bureau du financement du développement du Département des affaires économiques et sociales de l’ONU, sur le thème «Favoriser la création d’entreprises dans les pays en développement : le rôle des diasporas». Aujourd’hui encore on cherche la réponse à cette question.

Nous vous présentons quelques initiatives où les fonds des diasporas sont canalisés vers des projets de développement.

Programme d’amélioration de la sécurité alimentaire dans la Corne de l’Afrique grâce aux investissements de la diaspora en faveur de l’agriculture

Coût total du programme: 1,55 million d’USD

Conscient de la contribution essentielle des travailleurs migrants au maintien des moyens d’existence, le FIDA a engagé une concertation avec le Gouvernement de Somalie, l’un des pays les plus durement frappés par des conflits dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord. On estime que la Somalie reçoit plus de 1,3 milliard d’USD par an, par le biais d’envois de fonds, soit un montant supérieur à celui qu’elle perçoit au titre de l’aide internationale.

Lors du Forum international pour le développement rural qui s’est tenu en 2010 en Somalie, des représentants de la diaspora, du gouvernement, des agences de développement et du monde universitaire ont engagé un dialogue afin de dégager les priorités et les possibilités en matière d’actions conjointes pour la promotion du développement local. L’approche novatrice du programme, qui prône l’investissement de la diaspora dans l’agriculture, s’appuie sur l’initiative du Forum somalien. Le programme est exécuté par une ONG néerlandaise, la fondation Business in Development (BiD) Network, en partenariat avec Shuraako, une ONG américaine qui possède des antennes locales en Somalie.

Les objectifs du programme sont les suivants:

•           Promouvoir les mécanismes d’investissement favorables aux pauvres en milieu rural

•           Renforcer les capacités de la diaspora et faciliter la transformation de ses membres en agents de développement.

•           Promouvoir des stratégies mettant la diaspora en lien avec le secteur privé, la société civile, et les acteurs publics en Somalie.

Les activités du projet ont démarré en 2014, avec la création du Somali AgriFood Fund (somaliagrifood.org), un fonds d’amorçage destiné à encourager les investissements de la diaspora en offrant des cofinancements dans les secteurs de l’agriculture, de la pêche et de la transformation alimentaire en Somalie.

Ce fonds soutient des projets d’investissement allant de 20 000 à 250 000 USD en apportant une contribution à hauteur de 40 %. Les 60 % restants sont financés par le propriétaire de l’entreprise à hauteur de 20 %, en numéraire ou en nature, et par des capitaux extérieurs, dont au moins un tiers (ou 20 % du coût total du projet) doit provenir de la diaspora. L’effet de levier du fonds doté de 673 000 USD est estimé à 3,4 pour 1, soit un investissement total de 2,28 millions de dollars.

En janvier 2016, à l’issue des deux premiers appels à proposition, 199 candidats avaient déposé une demande auprès du fonds AgriFood, et six chefs d’entreprise s’étaient vu attribuer un financement, pour un total de 435 600 USD. Les plans d’affaires approuvés prévoient d’impliquer huit investisseurs de la diaspora, dont deux femmes. Ils sont tous originaires de la région dans laquelle ils souhaitent investir et contribuent à l’investissement à hauteur de 40 % à 60 %.

Les six agro-entreprises retenues devraient créer 196 nouveaux emplois et ouvrir de nouveaux débouchés pour environ 15 000 petits producteurs du secteur de l’agriculture et de la pêche.

Les mobilités humaines, une ressource sous-exploitée pour la région de Sédhiou

La région de Sédhiou, en Casamance, est l’une des régions du Sénégal les plus marquées par les migrations, tant dans le sens des départs que des arrivées. La diaspora, dispersée un peu partout dans le monde, se regroupe souvent en associations pour mener des projets de développement en faveur de sa région d’origine. De plus en plus nombreux sont d’ailleurs ceux qui font concilier activité professionnelle dans le pays d’accueil et projet entrepreneurial dans le pays d’origine. Sans compter ceux qui rentrent définitivement au pays pour préparer leur retraite, souvent très actifs dans l’entreprenariat.

Ces mobilités humaines représentent un potentiel de développement économique de premier plan pour la région. Mais cette ressource est mal exploitée, faute de coordination entre la diaspora et les acteurs locaux. C’est pour répondre à ce besoin de dialogue entre les migrants et les acteurs locaux que des outils et formations favorisant leur mise en relation ont été élaborés. En premier lieu, l’Espace Migration de Développement de Sédhiou (EMDS) qui rassemble tous les acteurs impliqués, sur le modèle de l’Espace Migration Développement de Kayes (EMDK). Ainsi, associations de la diaspora, élus locaux, techniciens des collectivités territoriales, services déconcentrés, entrepreneurs, porteurs de projets et migrants de retour sont directement en relation les uns avec les autres.

L’EMDS et le «Help Office for migrants» ont vocation à diminuer cette incertitude autour de l’investissement des migrants et à créer un cadre favorable pour ceux qui souhaitent entreprendre. Mais pour aller plus loin, un fonds de soutien aux initiatives économiques mis en place dans le cadre du PAICODEL-S a permis de soutenir 10 projets d’entreprises, respectueux de l’environnement, portés par des migrants. L’idée étant tout autant de renforcer leur capacité d’investissement que de leur proposer un accompagnement technique permettant de pérenniser le projet et de créer des emplois.

Comment un projet de 3,9 millions de dollars financé par la diaspora pourrait changer la donne pour l’Afrique

La Banque africaine de développement (BAD) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont depuis lancé un projet de 3,9 millions de dollars américains pour stimuler les investissements des membres de la diaspora dans huit pays africains. Le projet, que l’OIM coordonnera sur le terrain, vise à renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière. En 2022, les Africains vivant à l’étranger, estimés à 160 millions, ont transféré 95,6 milliards de dollars en Afrique.

Le projet lancé par la BAD le 3 décembre, en partenariat avec l’Union africaine (UA) et l’OIM, vise à donner à la diaspora davantage d’occasions d’accroître sa capacité à contribuer au développement local et, partant, à lutter contre l’immigration irrégulière en provenance d’Afrique.

DevHaiti

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