Éditorial

Les écoliers haïtiens doublement pénalisés

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On ne compte plus les victimes de la crise socio-politique et économique qui sévit en Haïti depuis un certain. Les secteurs touchés par cette crise sans précédent sont à bout de souffle. À un point tel qu’on parle désormais de crise humanitaire. Sans surprise, comme à chaque mouvement de protestation dans ce pays, le secteur éducatif est pris en otage.

Une fois de plus, l’école n’est pas épargnée par cette situation délétère d’insécurité généralisée qui échappe à tout contrôle et qui a transformé des quartiers entiers de la zone métropolitaine notamment en « territoires perdus ». Véritables dommages collatéraux, des milliers d’écoliers haïtiens sont pris en tenaille par cette spirale de violence ayant provoqué un nombre impressionnant de déplacés internes fuyant les exactions des gangs armés.

Le ministère de l’Éducation nationale a été contraint d’actualiser à plusieurs reprises son calendrier scolaire durant l’année académique en cours. On s’achemine encore une fois, inexorablement, vers une année scolaire bâclée. Et, chaque journée de classe perdue a une incidence négative sur le programme d’alimentation scolaire privant ainsi des écoliers d’un plat chaud.

Selon un décompte de la Politique et Stratégie nationales d’alimentation scolaire (PSNAS), pour l’année scolaire 2022-2023, plus de 1,13 million d’écoliers sont desservis par le programme de cantines scolaires. Combien de ces écoliers sont encore desservis par ce programme pour l’année scolaire 2023-2024 ? Combien de ces écoliers la guerre des gangs pour conquérir plus de territoires ont non seulement forcé à arrêter brutalement l’école mais aussi privé du programme de cantines scolaires ?

Les écoliers ont besoin d’une bonne alimentation pour être en bonne santé et avoir l’énergie nécessaire pour étudier, apprendre et faire de l’activité physique. Les programmes d’alimentation scolaire constituent donc des filets de protection sociale ciblés destinés à améliorer à la fois l’éducation et la santé des enfants les plus vulnérables, en contribuant ainsi à augmenter leur taux de scolarisation.

Avec l’appui technique du Programme alimentaire mondial (PAM) et des nombreux partenaires de l’alimentation scolaire en Haïti, le ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP), à travers le Programme National des Cantines Scolaires (PNCS), a révisé sa Politique et Stratégie nationales d’alimentation scolaire (PSNAS).

À travers la PSNAS, lit-on dans le document, le gouvernement haïtien ambitionne « d’assurer que tous les enfants scolarisés jouissent d’une bonne santé nutritionnelle nécessaire à l’apprentissage grâce à la fourniture d’une alimentation complémentaire saine et équilibrée dans les écoles, préparée avec des produits quasi exclusivement locaux et respectant les normes nutritionnelles pour que la faim ne constitue pas une barrière à l’éducation ».

Cette politique fraichement révisée vise à garantir un plat chaud à tous les écoliers des établissements scolaires tant publics que privés. Dans un pays comme Haïti où la majeure partie des dépenses des ménages sont consacrées à l’éducation de leurs enfants, ce ne sera pas du luxe.

Fondé en 1997, le PNCS espère, d’ici 2030,nourrir tous les enfants au sein des écoles publiques et privées des 10 départements géographiques du pays.Coïncidence ou non, cet horizon correspond à celui de l’agenda du cycle des objectifs de développement durable (ODD). Dans les deux cas de figure, le pays a pris énormément de retard sur ces deux agendas et il n’est pas oisif de se demander s’il peut encore rattraper ses retards dans cette conjoncture d’état failli et de grandes instabilités.