Les grandes lignes du Budget 2024-2025

Le directeur général de la Direction générale du Budget (DGB), Jean Michel Silin, était présent à la 14e édition du Sommet international de la Finance (SIF), tenu du 14 au 16 octobre 2024, pour exposer les grandes lignes du Budget de l’exercice fiscal 2024-2025.
Les hypothèses macroéconomiques du budget
Pour l’année fiscale 2024-2025, le budget se fixe un objectif de croissance de 1 %. Un taux apparemment faible à première vue. Cependant, pour une économie en phase de reprise après une contraction de 4 % l’année précédente, cet effort est considérable, selon Jean Michel Silin, qui anticipe une pression fiscale de 5 % pour l’exercice en cours. Le budget table sur un taux d’inflation de fin d’exercice tournant autour de 19,1 %. Quant à l’investissement par le Trésor public, il est prévu à hauteur de 0,7 % du PIB, soit 29,6 milliards de gourdes.
« Nous avons plusieurs sources d’investissement, le Trésor public est la source que l’on maitrise le mieux. Mais nous avons des bailleurs qui financent d’autres projets », a indiqué le directeur général, avant d’énumérer d’autres sources de financement telles que le Fonds national pour l’éducation (FNE), le Fonds d’entretien routier (FER), le Fonds de développement touristique (FDT), ainsi qu’une autre source appelée Annulation de la dette du FMI, les Bons du Trésor (comptant pour 16 milliards de gourdes), les dons et emprunts (79,502 milliards de gourdes).
Les recettes courantes collectées par la Direction générale des impôts (DGI) et par la Douane sont fixées à 215,6 milliards de gourdes et représentent 66,68 % de l’enveloppe globale, tandis que les dons et emprunts de leur côté représentent 24,58 % de l’enveloppe budgétaire. Globalement, les ressources domestiques représentent 76 % du budget.
Les douanes ont l’intention de percevoir 59 % des recettes, tandis que la DGI en percevra 41 %.
Les analystes qui remettent en question la modération de la projection du PIB pour l’année en cours sont exhortés à la prudence par Michel Silin. Selon lui, une projection plus élevée du PIB réel entraîne également une augmentation du PIB nominal et des recettes correspondantes. Si les capacités des institutions ne sont pas suffisantes pour collecter ces recettes, il existe un risque de voir s’accumuler des recettes accompagnées de dépenses qui pourraient engendrer un déficit budgétaire incontrôlable. « C’est la raison pour laquelle nous avons été très prudents dans les prévisions que nous avons établies en matière de projections macroéconomiques. »
Toujours sur le ton de la prudence, selon le dirigeant de la DGB, la recherche d’une croissance positive depuis plus de cinq années n’est pas seulement liée au travail des autorités économiques et financières du pays. La croissance économique positive est tributaire de la situation sécuritaire du pays qui s’est aggravée au cours des dernières années.
Contexte de préparation du Budget
Le budget 2024-2025 a été élaboré dans un contexte assez difficile, surtout au niveau de la situation sécuritaire du pays. Un contexte marqué par une accélération en intensité et en étendue de la violence des gangs armés dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, le département de l’Artibonite et dans d’autres points du territoire, soutient le haut cadre du MEF.
Sur le plan politique, le pays a vécu la démission du Premier ministre Ariel Henry et de son gouvernement en mars 2024 et son remplacement par un Conseil présidentiel de neuf membres en avril et la nomination d’un nouveau gouvernement en juin 2024.
Le contexte économique est marqué par une série de mesures visant à mitiger les risques pour les agents économiques. Parmi ces mesures, on peut citer l’adoption d’un budget rectificatif en août 2024 pour corriger la faible exécution du budget initial et poser des bases pour la prise en compte de nouvelles priorités.
D’après Silin, un budget initial de 320 milliards de gourdes avait été prévu. Cependant, il a été observé que les objectifs de collecte de recettes intérieures de l’ordre de 192 milliards de gourdes n’ont pas été atteints en raison de la crise de trois mois affectant les institutions de collecte du pays, suite aux crises politiques survenues à partir du 29 février 2024, marquées par l’intervention tragique de la coalition des gangs.
Devant cette situation, les autorités ont été contraintes de réviser à la baisse les prévisions de ressources, les faisant passer de 192 milliards de gourdes à 172 milliards dans le cadre du Budget rectificatif 2023-2024. Un renouvellement du personnel politique a eu lieu, avec l’introduction de nouvelles priorités abordées dans le budget rectificatif.
Dans l’ensemble, les autorités économiques haïtiennes anticipent déjà une sixième année consécutive de contraction économique de l’ordre de -4 % pour l’exercice 2023-2024, un taux d’inflation de 28 %, une pression fiscale autour de 5 % contre 6,2 % pour l’exercice précédent.
Principales orientations du Budget 2024-2025
Évoquant les priorités du budget inscrites dans la lettre de cadrage du budget 2024-2025, elles s’inspirent des feuilles de route qui ont été transmises aux différents secteurs. Ces priorités sont au nombre de cinq : le renforcement de la sécurité pour stabiliser le pays ; la relance économique et la réhabilitation des infrastructures essentielles ; une meilleure accessibilité aux services sociaux de base ; l’organisation de la conférence nationale sur les réformes constitutionnelles et la préparation des élections ; le renforcement de l’État de droit et la lutte contre la corruption.
Les grandes masses du budget 2024-2025
Haïti est passée d’un budget de 320 645 000 000 de gourdes à un budget rectificatif de 254 820 000 000 de gourdes. Pour l’exercice fiscal 2024-2025, on prévoit une enveloppe de 323 445 000 000 de gourdes. Soit 3 milliards en plus par rapport au budget initial. La plus grande part de ces 323 445 000 000 de gourdes sera collectée au niveau des organismes de perception. Les recettes courantes collectées par la DGI et par la Douane sont fixées à 215,6 milliards de gourdes.
Dans ce budget, les ressources domestiques sont évaluées à 243,9 milliards de gourdes ; les ressources externes sont de 79 milliards de gourdes. Fini le temps où le budget national était financé à environ 60 % par les ressources externes. En effet, la tendance a changé et cela tourne autour de 76 à 80 % de financement interne contre 20 à 25 % de financement externe.
Les dépenses courantes s’établissent à 175 000 000 000 de gourdes et les dépenses de capital à 147 947 000 000 de gourdes ; les dépenses pour Programmes et Projets à 121 119 000 000 de gourdes ; les dépenses sur l’annulation de la dette du FMI à 1,2 milliard de gourdes ; les dépenses sur Autres financements internes à 10,7 milliards de gourdes ; les dépenses sur l’amortissement de la dette à 22,3 milliards de gourdes.
Les dépenses de personnel représentent 28,6 % des dépenses globales du budget, tandis que les dépenses d’investissement représentent 37,48 % des dépenses globales.
La répartition du budget par entité administrative
Le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) a hérité d’une enveloppe de 42 milliards de gourdes dans le budget 2024-2025. Le MENFP est suivi par le ministère des Travaux publics, Transport et Communication (MTPTC) avec 39 milliards de gourdes ; le ministère de la Justice et de la Sécurité publique (MJSP) avec une enveloppe de 36,9 milliards de dollars ; les Interventions publiques avec 32 milliards de gourdes ; le Service de la Dette avec 23,6 milliards ; le ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) avec 22,9 milliards ; le ministère des Finances avec 21 milliards.
Effectif et masse salariale de la Fonction publique
L’administration publique haïtienne emploie des contractuels et des fonctionnaires. Actuellement, l’État haïtien délivre un total de 103 301 chèques pour un total de fonctionnaires estimé à environ 99 000, soit 71,4 % d’hommes et 28,6 % de femmes.
Le MENFP est le ministère qui comprend le plus de fonctionnaires publics avec un total de 47 015. Suivent le ministère de la Justice et de la Sante publique (MJSP) avec 18487 fonctionnaires ; le MSPP qui compte 4621 fonctionnaires ; le MICT avec 2385 fonctionnaires.
Gary Cyprien