Finance

Les grandes lignes du budget rectificatif 2024-2025

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À six mois de la fin de l’année fiscale 2024-2025, le duo exécutif haïtien constitué du Conseil présidentiel de transition (CPT) et du gouvernement a approuvé un budget révisé qualifié de « budget de guerre ». Cette approbation intervient dans un contexte national où l’insécurité s’aggrave, les déplacements internes se multiplient et les institutions économiques et sociales s’effondrent progressivement.

Ce nouveau budget, adopté lors du Conseil des ministres le lundi 14 avril 2025, totalise 323,451 milliards de gourdes, soit une légère hausse de 6 millions par rapport au budget initial de l’exercice. Toutefois, l’importance de ce budget dépasse largement cette modification numérique. C’est une tentative nette de l’État haïtien de répondre aux urgences en matière de sécurité, de nourriture, de social et d’institutions qui secouent le pays.

Priorité : la sécurité

La part du budget allouée à la sécurité montre que c’est la priorité principale de l’exécutif. 37 % du total, soit plus de 119 milliards de gourdes, sont dédiés au renforcement des forces de l’ordre — la Police nationale d’Haïti (PNH), les Forces armées d’Haïti (FADH), les services de renseignement et l’acquisition d’équipements spécialisés.

Cette allocation reflète l’objectif de « restaurer la sécurité publique et de combattre les groupes armés qui menacent la stabilité nationale », selon un communiqué de la présidence.

Une économie sous pression

Sur le plan économique global, la situation est inquiétante : l’inflation est révisée à 29,7 %, la croissance espérée est réduite à 0,5 %, et 1,4 million de personnes sont actuellement déplacées dans le pays.

Face à cette situation, le gouvernement a décidé de maintenir la constance des ressources et des dépenses à 323,45 milliards de gourdes, tout en ajustant les priorités internes. Les revenus courants sont estimés à 217,5 milliards, et les ressources domestiques totales à 249,8 milliards de gourdes. L’aide internationale atteint 76,9 milliards, dont 70,8 milliards pour des projets spécifiques et 2,78 milliards pour un soutien budgétaire général.

Répartition du budget : l’éducation en tête

Le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) reçoit la plus substantielle part du budget, avec une enveloppe de 47,2 milliards de gourdes, soit 14,6 % du budget total. Cette augmentation s’explique notamment par la mise en place de cartes de débit comme soutien financier aux employés du secteur éducatif public.

Le ministère de la Justice et de la Sécurité publique suit, avec 39,2 milliards, principalement pour améliorer les salaires et investissements dans la PNH. Le programme de réinsertion sociale, essentiel pour une stabilité à long terme, voit aussi son financement passer de 3,8 à 6,4 milliards de gourdes.

Repositionnement stratégique et réduction de certaines dotations

Certaines institutions subissent des diminutions notables. Ainsi, le budget du ministère des Travaux publics, Transports et Communications (MTPTC) passe de 39,5 à 30 milliards de gourdes, et celui du ministère de la Santé publique de 22,9 à 20,7 milliards. Le ministère des Affaires sociales et du Travail reçoit 19,2 milliards de gourdes.

Un point notable est la baisse significative des dotations pour le secteur énergétique : 5,33 milliards de gourdes contre 7,5 milliards initialement. Cette réduction intervient après des années de subventions massives à l’Électricité d’Haïti et aux produits pétroliers, marquant un changement dans la gestion des engagements financiers de l’État.

Mesures fiscales et facilitation des dépenses

Sur le plan fiscal, des ajustements ont été décidés pour encourager les investissements locaux. Les taxes sur les alcools produits localement passent de 15 % à 6 %, et celles sur les boissons énergétiques de 15 % à 10 %. De plus, les incitations fiscales sont prolongées jusqu’à 10 ans pour certains secteurs jugés prioritaires.

Pour faciliter les dépenses publiques, le gouvernement revoit les seuils pour les marchés publics, ajuste la durée de validité des contrats et introduit une flexibilité accrue dans les paiements.

Une vision de redressement malgré la fragilité

Ce budget révisé vise à stabiliser l’économie et à redresser la société, malgré des contraintes énormes. Il met l’accent sur la sécurité, la relance économique, la santé publique, la réforme constitutionnelle et l’organisation des élections.

Notons que le Conseil électoral provisoire (CEP) conserve son enveloppe initiale de 1,4 milliard de gourdes, tandis que 60 millions de dollars ont déjà été versés dans le fond commun administré par le PNUD pour financer le processus électoral.