Finance

Les performances fiscales d’Haïti, entre pauvreté et inégalités sociales

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Le décret budgétaire de l’exercice fiscal 2023-2024 montre qu’Haïti affiche une pression fiscale de moins de 6% du Produit Intérieur Brut (PIB). Le ratio impôt direct sur impôt indirect est toujours en défaveur des pauvres et des plus pauvres et les prévisions en termes de croissance économiques sont en encore négatives.

L’enveloppe budgétaire total pour l’exercice fiscal 2023-2024 est de 320.64 milliards de gourdes, financés par les ressources domestiques, les dons et les financements. Les ressources domestiques sont estimées 192.82 milliards de gourdes. Elle est composée des recettes internes qui sont de 142.63 milliards de gourdes (73.97%), des recettes douanières estimées à 48.18 milliards de gourdes (24.98%) et des Autres Ressources Domestiques qui sont à 2 milliards de gourdes (1.03%). La structure des ressources domestiques reste toujours la même mais avec les autres ressources domestiques qui comptent de moins en moins dans les recettes internes.

Les impôts indirects au niveau du budget 2023-2024 sont estimés à 48.22 milliards de gourdes et les impôts indirects à 130.36 milliards de gourdes. À en croire l’économiste Kesner Pharel, le gouvernement haïtien reste structurellement insensible à ce rapport qui favorise davantage les inégalités sociales.

De son côté, l’expert Luckner Duval, estime qu’il existe dans le logiciel de management budgétaire de l’État haïtien plusieurs trous qu’exploitent certains agents économiques pour éviter de payer les taxes directes. Les exonérations fiscales partielles (6 ans) et totales (15 ans) sont souvent utilisées par certaines personnes morales pour éviter de payer les taxes. Ces problèmes plombent la collection efficace des impôts directs, faisant que l’administration publique se tourne davantage vers les impôts indirects (Taxes sur Chiffres d’Affaires) que paient les pauvres et les plus pauvres.

Cependant avec une économie qui ne fonctionne quasiment pas, même les impôts indirects peuvent baisser en valeur selon L. Duval car la consommation finale tend à devenir plus faible. Ce problème d’ordre macroéconomique, combiné avec les faiblesses en termes de capacités de l’administration fiscale, la bureaucratie politique et permanente et la corruption au niveau de l’État en général affectent les performances fiscales globales du pays. Selon le Fonds Monétaire International (FMI), le pays a besoin d’un taux de pression fiscale de 13% pour accélérer le niveau du PIB et un taux de moins de 10% (comme c’est le cas d’Haïti) est fortement corrélé avec la pauvreté.

Luckner Duval et l’économiste K. Pharel ont aussi commenté sur la politique fiscale du pays. Une bonne politique fiscale, selon eux, ne comprend pas uniquement des mesures fiscales mais aussi des mesures en termes de gouvernance (transparence) et sociale (favoriser la confiance). L. Duval a ainsi pointé du doigt les mauvaises décisions récurrentes de politique économique de l’État comme cause fondamentale de la mauvaise performance fiscale. Le manque de statistiques sur l’économie nationale est un problème majeur car elle fait obstacle à la planification fiscale.

Dans ce besoin de transparence, les analystes ont particulièrement pointé du doigt le rôle de la justice. S’il est vrai que nous devions encourager les travaux de lutte contre la corruption des institutions autonomes de contrôle comme l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), la justice doit pouvoir faire les suivis légaux nécessaires. La politique fiscale du pays, particulièrement dans sa fonction de redistribution est entravée par la corruption systémique qui existe au niveau de l’administration publique et de la politique. La justice est l’outil par excellence pour combattre ces fléaux afin de mettre le pays sur un autre sentier de performances fiscales, ceteris paribus, de croissance économique et de justice sociale.

DevHaiti

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