Les répercussions du conflit en Ukraine sur la sécurité alimentaire mondiale

Le Fonds international de développement agricole (FIDA), un organisme des Nations Unies, dit craindre vivement qu’un conflit prolongé en Ukraine ne restreigne l’approvisionnement mondial en cultures essentielles, comme le blé, le maïs et l’huile de tournesol, entraînant une flambée des prix des denrées alimentaires et de la faim.
Cette situation pourrait mettre en péril la sécurité alimentaire mondiale et exacerber les tensions géopolitiques. Dans ce contexte d’inquiétudes croissantes exprimées par la communauté internationale quant aux effets du conflit sur la faim et la pauvreté dans le monde, l’arrêt des combats est désormais la seule solution, préconise l’organisme onusien.
Les conflits et la faim sont étroitement liés – l’escalade de l’un signifie généralement l’escalade de l’autre. Comme dans toute crise, ce sont les plus pauvres et les plus vulnérables qui sont le plus dure- ment touchés, et dans notre monde globalisé, les répercussions de ce conflit se feront sentir sur tous les continents.
«Alors que la guerre continue de faire rage en Ukraine, les effets de la hausse des prix alimentaires et des pénuries de cultures de base sont déjà perceptibles au Proche-Orient et en Afrique du Nord et gagnent les pays les plus vulnérables du monde, notamment ceux de la Corne de l’Afrique, exposant particulièrement les personnes les plus pauvres», constate le FIDA.
Cette région de la mer Noire joue un rôle majeur dans le système alimentaire mondial et exporte au moins 12% des calories échangées dans le monde. On estime que 40% des exportations de blé et de maïs en provenance de l’Ukraine sont destinées au Moyen-Orient et à l’Afrique, régions qui sont déjà en proie à des problèmes liés à la faim et où de nouvelles pénuries ou augmentations des prix alimentaires pourraient favoriser des troubles sociaux.
«Avec l’invasion russe, nous sommes maintenant confrontés au risque d’une famine et d’une famine imminentes dans davantage d’endroits dans le monde», a fustigé dans un communiqué, le Rappor- teur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, Michael Fakhri, estimant que les taux mondiaux de faim et de famine ont augmenté au cours des trois dernières années.
«Selon certaines estimations, c’est la sécurité alimentaire mondiale qui est en jeu, puisque le commerce agricole mondial concerné représente près de 1.800 milliards de dollars», a fait valoir le Rapporteur spécial.
L’Ukraine et la Russie sont deux des cinq premiers exportateurs de céréales au monde.
Un tiers environ des exportations mondiales de blé proviennent de la Russie et de l’Ukraine. Le Moyen-Orient et l’Afrique importent plus de la moitié de leurs céréales de ces deux pays et sont déjà aux prises avec des problèmes de famine. Toute nouvelle pénurie alimentaire ou hausse des prix risque de faire basculer des millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté. La Russie est par ailleurs le premier pays producteur d’engrais au monde. Même avant que le conflit n’éclate, la flambée des prix des engrais a contribué l’an dernier à une hausse des prix alimentaires d’environ 30%.
D’ores et déjà, les effets immédiats du conflit sur l’alimentation se font sentir en Égypte, en Turquie, au Bangladesh et en Iran, qui achètent plus de 60% de leur blé à la Russie et à l’Ukraine. De leur côté, le Liban, la Tunisie, le Yémen, la Libye et le Pakistan dépendent aussi fortement de ces deux pays pour leur approvisionnement en blé.
L’analyse du FIDA révèle que la hausse des prix des produits alimentaires de base, du carburant et des engrais, de même que les autres répercussions du conflit, entraînent déjà des conséquences désastreuses sur les communautés rurales les plus pauvres. Par exemple:
• En Somalie, où 3,8 millions de personnes souffrent déjà d’une forme grave d’insécurité alimentaire selon les estimations, les coûts de l’électricité et du transport sont montés en flèche en raison de la hausse des prix du carburant. Ce phénomène touche particulièrement durement les petits exploitants et éleveurs pastoraux pauvres dont la survie, dans un contexte d’irrégularité des précipitations et de sécheresse constante, dépend d’une agriculture irriguée alimentée par de petits moteurs diesel.
• En Égypte, le prix du blé et de l’huile de tourne- sol a flambé, le pays important 85% de son blé et 73% de son huile de tournesol de la Russie et de l’Ukraine.
• Au Liban, 22% des familles souffrent d’insécurité alimentaire et les pénuries alimentaires et nouvelles hausses de prix ne feront qu’accentuer cette situation déjà désespérée. Le pays importe près de 80% de son blé de la Russie et de l’Ukraine, mais ne peut stocker qu’environ un mois de provision, en raison de l’explosion du port de Beyrouth en 2020, qui a détruit les principaux silos à grains du pays.
• Les pays d’Asie centrale qui dépendent des envois de fonds des migrants travaillant en Russie ont été durement touchés par la dévalua- tion du rouble russe. Au Kirghizistan, par exemple, le PIB national est constitué à plus de 31% d’envois de fonds, dont la majorité provient de Russie. Cet argent est indispensable pour garantir l’accès des familles rurales des migrants à l’alimentation, à l’éducation et à d’autres produits et services de première nécessité.
Avec des prix alimentaires mondiaux qui n’ont jamais été aussi élevés, le Programme alimentaire mondial (PAM) est également préoccupé par l’impact de la crise ukrainienne sur la sécurité alimentaire dans le monde, en particulier dans les points chauds de la faim. En effet, les conséquences du conflit risquent de rayonner vers l’extérieur, déclenchant une vague de faim collatérale à travers le monde.
Selon l’indice des prix alimentaires de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les prix mondiaux des aliments et des carburants ont fortement augmenté depuis le début du conflit – atteignant un niveau record en février 2022. Le prix du blé a augmenté de 24% du 21 février au 15 mars.
Selon l’agence onusienne basée à Rome, ces hausses affecteront naturellement les prix des denrées alimentaires locales et, par là même, l’accès à la nourriture, en particulier pour des millions de personnes qui ont déjà du mal à mettre de la nourriture sur la table.
À ce jour, une personne sur dix dans le monde ne mange pas à sa faim, et des millions de personnes ont été précipitées dans la pauvreté et la faim du fait d’événements météorologiques extrêmes et des répercussions de la pandémie de COVID-19. La poursuite de ce conflit, qui constitue déjà une tragédie pour les personnes touchées, sera catastrophique pour le monde entier, et en particulier ceux qui peinent déjà à nourrir leur famille.
Sources combinées (FIDA & Onu Info)
DevHaiti