L’inclusion financière en Haïti : un parcours parsemé de défis, mais plein de promesses
En Haïti, l’inclusion financière reste un défi majeur malgré les ambitions portées par la Stratégie nationale d’inclusion financière (SNIF) et le Plan national d’éducation financière (PNEF), pilotés par la Banque de la République d’Haïti (BRH). Ces initiatives, lancées respectivement en 2014 et soutenues par des partenaires comme la Banque mondiale, visent à réduire le taux de non-bancarisation, à promouvoir les services financiers numériques et à renforcer la protection des consommateurs. Cependant, des obstacles structurels et conjoncturels freinent leur mise en œuvre, limitant l’accès des populations vulnérables aux services financiers formels.
Selon l’enquête FinScope Haïti 2018, seulement 11,5 % des adultes haïtiens possèdent un compte bancaire, et 44 % ont accès à un service financier formel quelconque. Cette faible inclusion est particulièrement marquée dans les zones rurales comme le département du Nord-Ouest, où les infrastructures financières sont quasi inexistantes : seulement 2,13 % des succursales bancaires du pays y sont implantées. Cette situation marginalise des milliers de familles, d’agriculteurs et de petits commerçants, qui dépendent souvent de mécanismes informels pour gérer leurs finances.
L’instabilité politique et économique constitue un frein majeur. Les crises récurrentes, combinées à l’insécurité croissante, perturbent les opérations des institutions financières et découragent les investissements dans les infrastructures bancaires. Par ailleurs, la dollarisation élevée des dépôts et crédits limite l’efficacité de la politique monétaire de la BRH, rendant le système financier vulnérable aux chocs externes. Le faible ratio crédit/PIB, tombé à 5,3 % en 2023, illustre également la réticence des banques à prêter dans un climat d’incertitude.
Éducation financière et infrastructures : des maillons faibles
Le PNEF, qui vise à éduquer les citoyens sur la gestion budgétaire, l’épargne et le crédit, rencontre des obstacles liés à un manque de financement pérenne et à une coordination insuffisante entre les institutions concernées. Bien que des campagnes aient été lancées dans les écoles et via les médias, elles peinent à atteindre les populations rurales, où le taux d’alphabétisation est de seulement 53,16 %. De plus, 34 % des Haïtiens citent le chômage et 28 % l’absence de revenu régulier comme raisons principales de ne pas ouvrir de compte bancaire, tandis que 7 % expriment une méfiance envers les banques.
L’absence d’infrastructures financières adéquates aggrave la situation. Avec seulement 46 des 146 communes disposant d’une présence bancaire, l’accès physique aux services reste un défi, particulièrement pour les habitants des zones reculées. Le développement des services bancaires mobiles, bien que prometteur, est freiné par une réglementation insuffisante et un système de paiement sous-développé. La connectivité limitée dans certaines régions et la méfiance envers les outils numériques, comme les guichets automatiques, compliquent l’adoption de solutions technologiques.
Les fintechs : une flamme d’optimisme face aux défis
L’émergence des fintechs offre une opportunité de transformation. Ces startups, en partenariat avec des banques et des opérateurs télécoms, développent des solutions comme le mobile banking, la microépargne et les microassurances, adaptées aux populations non bancarisées. Par exemple, dans le Nord-Ouest, où les succursales bancaires sont rares, le mobile banking permet des transferts d’argent et des paiements via des agents locaux, comme des kiosques ou des épiceries. La BRH soutient ces initiatives via son unité d’inclusion financière, qui coordonne les projets et collecte des données pour évaluer leur impact.
Cependant, les fintechs font face à des défis significatifs. La sécurité des données et les risques de cybercriminalité préoccupent les utilisateurs, tandis que le cadre réglementaire reste fragile, limitant l’expansion de ces innovations. Selon Ludmilla Allien, cadre de la BRH, la gourde digitale, une monnaie numérique en développement, pourrait réduire les coûts de transaction et améliorer la traçabilité. Cependant, son adoption dépendra d’une éducation financière renforcée et d’une confiance accrue dans le numérique.
Perspectives : vers une inclusion durable
Pour surmonter ces obstacles, la BRH et ses partenaires doivent intensifier les efforts d’éducation financière, en s’appuyant sur des outils numériques et des campagnes locales adaptées. Renforcer les infrastructures, notamment via le modèle d’agent bancaire, et investir dans la connectivité rurale est crucial. Enfin, un cadre réglementaire robuste pour les fintechs et une meilleure coordination entre acteurs institutionnels maximiseraient leur impact.
Comme le souligne Marc Alain Boucicault, de l’agence BANJ, « l’accès à Internet, à l’énergie et aux fintechs, combiné à l’inclusion des femmes, est essentiel pour la relance économique ». En conjuguant innovation, régulation et éducation, Haïti peut transformer ses ambitions en réalité, offrant à ses citoyens un avenir financièrement plus inclusif.
Sources :
– Banque de la République d’Haïti, www.brh.ht (https://www.brh.ht/la-brh/directions-et-unites/unite-dinclusion-financiere/)
– Le Nouvelliste, lenouvelliste.com (https://lenouvelliste.com/article/170551/linclusion-financiere-dans-tous-ses-etats)[](https://lenouvelliste.com/public/article/232236/acces-aux-services-financiers-quelques-chiffres-pour-comprendre-la-faible-inclusion-financiere-en-haiti)
– Rezo Nòdwès, rezonodwes.com (https://rezonodwes.com/?p=358256)
– Banque mondiale, www.banquemondiale.org (https://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2025/04/28/haiti-the-costs-of-inaction-would-be-unbearable)
– Haiti Economie, haitieconomie.com [](https://haitieconomie.com/lexclusion-financiere-en-haiti/)
– Le National, www.lenational.org[](http://lenational.org/post_free.php?elif=1_CONTENUE/economies&rebmun=2747)
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