L’inflation attise l’insécurité alimentaire en Haïti

La faiblesse de la production alimentaire nationale, jumelée au renchérissement des prix des produits importés, a amplifié les pressions inflationnistes en Haïti au cours du troisième trimestre de l’exercice fiscal 2021-2022. C’est en substance ce qu’a observé la Banque de la République d’Haïti (BRH) durant cette période. En effet, de 25,9 % en mars 2022, l’inflation annuelle s’est établie à 27,8 % en mai 2022. Après 1,6 % en mars, le taux d’inflation, considéré en rythme mensuel, a atteint 1,9 % en mai 2022. La chute de l’activité économique réduisant les opportunités d’emplois et combinée à la hausse généralisée des prix a ainsi renforcé le niveau d’insécurité alimentaire en Haïti.
En effet, contrairement aux mois de mars et d’avril durant lesquels les cultures et plantations de printemps ont bénéficié des conditions pluviométriques favorables, le mois de mai a été caractérisé par une pluviométrie inférieure à la moyenne. Il en est résulté une performance mitigée de la campagne de printemps pour l’année 2022.
De manière globale, les conditions macroéconomiques sur le plan interne ont été impactées par différents chocs liés à la détérioration du climat sécuritaire du pays et aux aléas entourant le secteur agricole. Le dysfonctionnement des marchés a été renforcé au cours du troisième trimestre 2021-2022 par les difficultés d’accès aux produits pétroliers dans un environnement d’incertitudes accrues. En ce qui a trait à la production agricole, elle a pâti des précipitations erratiques durant le troisième trimestre de l’exercice fiscal (jusqu’au 30 juin 2022).
Jusqu’au troisième trimestre de l’exercice fiscal 2021-2022, la politique monétaire de la Banque des banques a été mise en œuvre dans un environne- ment international marqué par la montée des tensions inflationnistes et les incertitudes autour des perspectives de l’économie mondiale. La persistance des ruptures au niveau des chaînes d’approvisionnement et la poursuite de la guerre en Ukraine ont continué d’affecter l’offre des matières premières de base et des cours des produits énergétiques, d’où un renchérissement prononcé de ces derniers.
Inflation à tentacules mondiales
Les facteurs précités se sont traduits, dans de nombreux pays, par une envolée de l’inflation, laquelle a atteint des niveaux record. Dans ce contexte inflationniste et dans le but de modérer la demande, les principales banques centrales se sont engagées à poursuivre des mesures de resserrement monétaire, à partir des relèvements des taux directeurs (la Réserve fédérale aux États-Unis) ou l’arrêt des programmes d’achat d’actifs (Banque centrale européenne – BCE).
Telles que vues par la Banque centrale dans sa note de politique monétaire, les perspectives économiques pour la fin de l’exercice fiscal 2021-2022 ne sont pas des plus réjouissantes. En réalité, elles demeurent mitigées et sont assujetties à un ensemble de facteurs tant au niveau interne qu’externe. Le prolongement de la guerre en Ukraine devrait conduire à l’intensification du renchérissement des produits pétroliers et alimentaires de base ainsi qu’à la persistance des ruptures des chaînes d’approvisionnement au niveau mondial.
L’inflation élevée et les risques de récession ou de ralentissement économique qui pèsent notamment sur les États-Unis, le Canada et la zone Euro, pour- raient affecter le revenu disponible des migrants haïtiens et conséquemment les transferts privés sans contrepartie, principale composante de l’offre de devises sur le marché des changes. La hausse des prix chez nos principaux partenaires commerciaux pourrait également continuer à alimenter les pressions inflationnistes notamment à travers l’augmentation des prix des produits importés considérés dans le panier de consommation.
Et les recettes de l’Etat…
«La faiblesse de l’activité économique jointe à la perturbation des activités au niveau de certains organismes de perception a miné les efforts de collecte des recettes fiscales du trimestre précédent. Ainsi, les taxes et impôts perçus par l’État haïtien ont chuté de 12,43 %, passant de 30 494 millions de gourdes à 26 702,25 millions de gourdes au cours du troisième trimestre 2021-2022. Cette évolution des recettes fiscales au cours du trimestre sous étude a reflété celles perçues au niveau interne, les recettes douanières ayant crû de 9,21 % après 6,47 % antérieurement», peut-on lire dans cette note de politique monétaire qui souligne que «les dépenses publiques, quant à elles, ont crû de 52,29 % pour s’établir à 47 870,03 millions de gourdes»
«Quoiqu’en hausse de 15,72 % par rapport à la même période de l’exercice passé, les recettes cumulées d’octobre 2021 à juin 2022 n’ont représenté que 39 % des ressources totales de l’État établies à 213 981,47 millions de gourdes. Au niveau des autres ressources utilisées par l’État, sont prises en compte les émissions de billets de trésorerie dont le total a atteint 113 942,8 millions de gourdes à la fin du trimestre sous étude. Parallèlement, les décaissements effectués sur les neuf premiers mois de l’exercice ont totalisé 248 234,7 millions de gourdes, dont 124 424,6 millions de gourdes de dépenses budgétaires.

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