Malgré une conjoncture mondiale défavorable, les transferts des migrants augmentent de 5% en 2022

Les remises migratoires sont supérieures à 20 % du PIB en El Salvador, au Honduras, en Jamaïque et en Haïti.
Les envois de fonds vers les pays à revenu faible et intermédiaire ont résisté aux turbulences mondiales en 2022 : leur montant total est estimé à 626 milliards de dollars, soit une augmentation de 5 % par rapport à l’année dernière. Il s’agit toutefois d’un net recul par rapport à la hausse de 10,2 % enregistrée en 2021, comme le souligne la dernière note d’information de la Banque mondiale sur les migrations et le développement.
Pour les pays à revenu faible et intermédiaire, les envois de fonds des migrants sont une source vitale de revenu. Ces transferts d’argent vers les pays d’origine contribuent à réduire la pauvreté et à améliorer la situation nutritionnelle, et ils sont corrélés avec de meilleurs résultats en matière d’insuffisance pondérale à la naissance et de taux de scolarisation chez les enfants issus de foyers défavorisés. La recherche montre que les remises migratoires aident les ménages bénéficiaires à renforcer leur résilience, en leur permettant par exemple d’améliorer leurs conditions d’habitat et de faire face aux pertes subies à la suite d’une catastrophe naturelle.
Photo crédit: Haiti Economie
La hausse des prix a eu un impact négatif sur les revenus réels des migrants. Dans les pays qui ont connu une pénurie de devises et qui pratiquent des taux de change multiples, les transferts de fonds officiellement enregistrés ont diminué, les flux se déplaçant vers des canaux parallèles offrant de meilleurs taux.
L’Afrique est la région du monde qui devrait être la plus affectée par l’impact de crises concomitantes, liées notamment aux fortes sécheresses et à l’envolée des prix mondiaux des produits de base énergétiques et alimentaires.
Dans un dossier spécial consacré aux migrations climatiques, la note d’information indique que les pressions croissantes dues aux dérèglements du climat entraîneront une augmentation des flux migratoires à l’intérieur des pays et compromettront les moyens de subsistance des populations. Les plus pauvres seront probablement les plus affectés, car souvent ils ne disposent pas des ressources nécessaires pour s’adapter ou se déplacer. Des études montrent que les migrations peuvent aider les ménages à faire face aux conséquences des changements climatiques, non seulement en leur permettant d’échapper aux catastrophes, mais aussi en faisant bénéficier les familles touchées d’envois d’argent et d’autres formes de soutien. Des changements dans les règles de droit internationales et les cadres institutionnels en matière migratoire pourront s’avérer nécessaires pour faire face aux enjeux des migrations climatiques, en particulier dans le cas des petits États insulaires.
La note d’information analyse également l’évolution des tarifs d’envoi de 200 dollars vers les pays à revenu faible et intermédiaire : ceux-ci demeurent élevés, à 6 % en moyenne au deuxième trimestre 2022 selon la base de données de la Banque mondiale sur les coûts des transferts d’argent dans le monde. Il en coûte plus cher de passer par les banques que par les opérateurs mobiles (3,5 %), mais ces derniers représentent moins de 1 % du volume total des transactions. Les technologies numériques peuvent permettre de réduire considérablement le coût des services de transfert d’argent et les délais de traitement. Le poids de la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme continue de restreindre l’accès des nouveaux prestataires de services aux correspondants bancaires. Ces réglementations entravent également l’accès des migrants aux services numériques de transfert de fonds
Tendances régionales
En déclin depuis deux ans, les transferts de fonds vers la région Asie de l’Est et Pacifique devraient augmenter de 0,7 % pour atteindre 134 milliards de dollars en 2022. Les pénuries de main-d’œuvre dans les secteurs de l’hôtellerie et de la santé dans les pays à revenu élevé et la hausse des prix du pétrole dont bénéficient les pays du Conseil de coopération du Golfe ont stimulé la demande de travailleurs en 2022, ce qui a soutenu les envois de fonds. Cependant, on estime que les remises migratoires vers la Chine ont chuté de près de 4 % en raison des restrictions sur les voyages à l’étranger imposées aux travailleurs migrants par les politiques de lutte contre la COVID-19. Par ailleurs, la part des envois de fonds dans le PIB est particulièrement importante aux Tonga (50 %) et au Samoa (34 %). En 2023, les envois de fonds devraient diminuer de 1 % du fait de la dégradation de la conjoncture dans les pays de destination des migrants. Enfin, le coût de l’envoi de 200 dollars dans la région a augmenté, pour atteindre 6,2 % en moyenne au deuxième trimestre 2022, contre 5,8 % un an plus tôt.
Selon les estimations, les flux de transferts de fonds vers l’Europe et Asie centrale ont augmenté de 10,3 % pour s’élever à 72 milliards de dollars en 2022. La hausse des prix du pétrole et la demande de travailleurs migrants ont fait progresser les remises migratoires de la Russie vers les pays d’Asie centrale. En outre, l’appréciation du rouble par rapport au dollar s’est traduite par une valeur plus élevée, dans la devise américaine, des envois de fonds depuis la Russie vers l’Asie centrale. Les remises migratoires vers la République kirghize et le Tadjikistan excèdent 30 % du PIB. En 2023, les flux devraient encore ralentir et ne progresser que de 4,2 % en raison de perspectives plus sombres pour les principaux pays d’origine. Le coût de l’envoi de 200 dollars vers la région a légèrement augmenté et représente 6,4%.
En Amérique latine et dans les Caraïbes, les transferts d’argent devraient augmenter de 9,3 % en 2022 et atteindre 142 milliards de dollars. Les données pour les neuf premiers mois de l’année indiquent une hausse de 45 % pour le Nicaragua, 20 % pour le Guatemala, 15 % pour le Mexique et 9 % pour la Colombie. La progression de l’emploi des migrants d’Amérique latine aux États-Unis a favorisé cette dynamique. Les fonds reçus par les migrants en transit ont également contribué à des flux importants au Mexique et en Amérique centrale. Les remises migratoires sont supérieures à 20 % du PIB en El Salvador, au Honduras, en Jamaïque et en Haïti. En 2023, on anticipe une croissance modérée de 4,7 % compte tenu de perspectives économiques plus défavorables.
Moyen-Orient et Afrique du Nord devraient recevoir 63 milliards de dollars de remises migratoires en 2022, soit une progression de 2,5 % contre 10,5 % en 2021. Ce ralentissement est en partie lié à l’érosion des salaires réels dans la zone euro, même si la demande d’envois de fonds dans les pays d’origine a augmenté dans un contexte de détérioration des conditions de vie, notamment la sécheresse au Maghreb et les prix élevés du blé importé. En pourcentage du PIB, les envois de fonds sont importants au Liban (38 %) et en Cisjordanie et à Gaza (19 %). Globalement, les flux vers la région devraient augmenter de 2 % en 2023. Les frais d’envoi pour un montant de 200 dollars s’élevaient à 6,3 % en moyenne au deuxième trimestre de 2022.
Selon les estimations, les remises migratoires vers l’Asie du Sud ont augmenté de 3,5 % pour s’élever à 163 milliards de dollars en 2022, mais il existe de grandes disparités entre les pays : une hausse de 12 % est anticipée en Inde — qui est en passe de recevoir 100 milliards de dollars sur l’année — ainsi qu’une progression de 4 % au Népal, mais il est prévu une baisse globale de 10 % pour les autres pays de la région. La diminution des flux reflète l’arrêt des incitations exceptionnelles que certains gouvernements avaient mises en place pour attirer des fonds pendant la pandémie, ainsi que la préférence des migrants pour les canaux informels offrant de meilleurs taux de change. Les envois de fonds vers l’Inde ont été favorisés par les hausses de salaire et le dynamisme du marché du travail aux États-Unis et dans d’autres pays de l’OCDE. Dans les pays du Conseil de coopération du Golfe, les gouvernements ont contenu l’inflation par des mesures de soutien direct qui ont protégé la capacité des migrants à envoyer de l’argent. L’envoi de 200 dollars dans la région coûtait en moyenne 4,1 % au deuxième trimestre 2022, contre 4,3 % l’année précédente.
On estime que les remises migratoires vers l’Afrique subsaharienne, la région la plus exposée aux effets de la crise mondiale, ont augmenté de 5,2 % pour atteindre 53 milliards de dollars en 2022, contre 16,4 % l’année dernière (en raison principalement de flux importants vers le Nigéria et le Kenya). En 2023, les flux devraient encore ralentir, à 3,9 %, en raison de la persistance d’une conjoncture défavorable dans le monde et dans les pays sources de la région. La part des envois de fonds dans le PIB est importante en Gambie (28 %), au Lesotho (21 %) et aux Comores (20 %). Il en coûtait 7,8 % en moyenne pour envoyer 200 dollars dans la région au deuxième trimestre 2022, par rapport à 8,7 % un an plus tôt. Les transferts d’argent varient en moyenne de 3,4 % à 25,2 %.

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