Développement durable

Pionnier en construction de barrage, Haïti désormais à la traîne dans la région

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Haïti a construit le premier barrage de toute la région caribéenne. Il s’agit du barrage de Péligre situé dans le département du Centre et construit sur le fleuve Artibonite dans les années 50. C’est du moins ce qu’a affirmé l’expert hydroélectrique, Lionel Rabel intervenant à l’émission Rendez-vous Économique animée par l’économiste Kesner Pharel sur Radio Télé-Métropole. Des décennies plus tard, nous n’en comptons pas beaucoup. L’expert qualifie ce retard de «regrettable». Ce qui donne une idée du manque d’utilisation des ressources hydriques dont nous disposons et qui pourraient servir pour produire de l’électricité et l’irrigation des terres.

«Depuis lors, on s’est arrêté. On n’en fait plus. D’autres pays qui ont vu ce qu’on a fait, sont venus apprendre», déplore l’hydrogéologue Lionel Rabel invité à débattre de «la nécessité d’une politique de l’eau en Haïti pour anticiper d’autres crises plus graves avec la République dominicaine» dans un contexte dominé par la construction du canal par les paysans de Ouanaminthe sur la rivière Massacre au cœur d’un conflit entre les deux pays partageant l’île.

En 1972, pas moins de 20 ans après la construction de Péligre, Cuba s’est offert un barrage. Actuellement, Cuba en possède pas moins de 143. Dans les années 7679, la République dominicaine a commencé à construire des barrages. Elle en compte maintenant une trentaine. En clair, Haïti était donc en avance sur la question hydroélectrique dans la région caribéenne. Une avance de plus de 20 ans, révèle M. Rabel, fustigeant l’absence de volonté politique de la part des autorités haïtiennes pour faire bouger les lignes.

Haïti n’en profite pas assez !

«Quand il pleut, vous utilisez l’eau de deux manières. Soit, c’est la partie infiltrée sous la terre. Soit, vous créez un ouvrage pour le stocker. Ce qu’Haïti ne fait presque pas. À part Péligre, nous n’avons pas un ouvrage majeur pour stocker de l’eau. À part Péligre, il y a quelques années de cela, nous avons fait un barrage sur une petite rivière appelée Marion. Si on essaie de faire la comparaison avec Péligre ou avec un barrage standard, ce n’est pas grande chose. C’est un barrage très petit», souligne le spécialiste qui traîne derrière lui pas moins de quatre décennies d’expérience dans cette filière.

L’eau comporte trois segments. L’eau coulant de la rivière, celle souterraine et celle qu’on peut stocker dans un réservoir en quantité pour utilisation en cas de besoin. Le barrage permet de stocker de l’eau, rappelle l’expert qui se plaint du fait que le pays forme très peu d’ingénieurs en la matière. Par année, Haïti reçoit entre 1000 et 1250 m3 d’eau par habitant. «Mais on ne fait rien avec», dénonce -t-il.

«80 % des espaces où il existe des cours d’eau en Haïti dérangent plus au lieu d’arranger. Car quand l’eau descend, cela cause des inondations et emporte des gens. En fait, on n’utilise pas vraiment», assène Lionel Rabel. Actuellement, selon les calculs, Haïti n’utilise que 140 m3 sur 1200. Ce qui fait à près moins de 15 %. Tout le reste descend à la mer. On ne fait rien avec », persiste et signe l’expert. «La quantité d’eau que nous avons quasiment on ne l’utilise pas. Ce, surtout, l’eau douce — on ne l’utilise pas pour faire grandchose».

Si en Haïti, on utilise 140 m 3 d’eau par an par habitant. La situation est différente respectivement en République dominicaine et à Cuba — où l’utilisation est de 714 m3 et 684 m3 an par habitant.

30-40 % de couverture végétale pour Haïti

Cuba reçoit en moyenne 1 310 millimètres de pluie par année. République dominicaine qui a unetopographie pratique avec deux montagnes au milieu — reçoit 1 410 millimètres. Et Haïti reçoit 1 440 millimètres de pluie par an. «C’est presque la même quantité, mais on reçoit un peu plus qu’eux. Cela s’explique par le fait qu’Haïti dispose de plus de montagnes que ces deux pays. Nous sommes un pays montagneux. Cela nous aide — en ce sens que nous recevons une certaine quantité de pluie», pense Lionel Rabel, ingénieur et hydrogéologue.

Nous comptons la quantité reçue — mais il y a un autre avantage dont disposent les autres pays, à savoir quand il pleut, une partie de l’eau s’en va en mer — et il y a une partie infiltrée pour aller alimenter le soussol. Pour que cela soit possible, il faut qu’on ait une couverture végétale. Cuba autant que la République dominicaine ont une couverture végétale plus importante que la nôtre, expliquet-il. Cuba se retrouve autour de 60 %, la République dominicaine entre 50 à 55% alors qu’Haïti se retrouve entre 30 à 40%.

«Cuba a une couverture végétale deux fois plus importante que la nôtre. De ce fait quand la pluie tombe – même s’il n’en reçoit pas beaucoup — il aura beaucoup plus d’eaux infiltrées sous terre ou qui s’en vont en mer que nous autres. Parce qu’en fin de compte nous en avons 30% de couverture végétale. Ils en ont 60%», rappelle le spécialiste. Des avantages comparatifs naturels que nous avions perdus. L’expert souligne également que les gens n’attendent pas seulement l’eau des pluies – ils font des infrastructures pour stocker l’eau. Car, il ne pleut pas tous les mois. En Haïti, nous avons deux périodes pluvieuses sur l’année : entre avril et juin et entre août et novembre.

«L’un des avantages que procurent un barrage, c’est que — quand on en a, on peut utiliser l’eau pour faire de l’irrigation ou pour faire de l’électricité», ditil. Sur l’ensemble de toutes les rivières qu’on a dans le pays, il plaide pour la construction de plus de barrages possibles.

DevHaiti

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