Risquer sa vie et dépenser des sommes folles pour vivre le rêve américain

Ces dernières années, on assiste à une autre de forme migration massive des citoyens haïtiens vers les États-Unis d’Amérique. Si dans les années 80, il était surtout question des « boat people », à savoir des milliers d’Haïtiens à bord de frêles esquifs qui envahissaient les ports de la Floride dans une tentative désespérée de fuir la dictature et la misère, en cette année 2021, ce sont des Haïtiens qui, après avoir laissé le pays pour l’Amérique du Sud (Brésil, Chili pour la plupart), font le pari risqué de traverser tout le continent pour se rendre au Mexique et finalement aux États-Unis.
Le coût pour financer un tel voyage est considérable, d’après les témoignages de certains réfugiés qui ont réussi ce dangereux périple. Pour se rendre aux États-Unis depuis le Chili, Johnny a dépensé près de 13,000 dollars pour lui, sa femme et son enfant. «C’était un choix difficile. Mais, j’ai réalisé mon rêve d’immigrer un jour aux États-Unis», a-t-il confié. Certaines personnes, a-t-il poursuivi, ont perdu leur vie pendant ce parcours de combattant. Des cartels de trafiquants contrôlent certains points de passage dans la forêt entre l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale. « Par moment, ma vie et celle des autres personnes étaient menacées », a fait savoir Johnny.
Sonson, le petit frère de Johnny, a déboursé 7,000 dollars américains pour sa femme et lui au cours de ce périple partant du Brésil pour aboutir aux États-Unis d’Amérique. Il a quitté le Brésil le jour de la prestation de serment du président Joe Biden et de la vice-présidente Kamala Harris. À l’instar de son grand frère, Sonson a atteint son objectif, celui de fouler un jour le sol américain.
De son côté, Guerda a dépensé environ 4,000 dollars pour payer son voyage du Chili aux États-Unis d’Amérique. « C’est un voyage périlleux » a déclaré Guerda qui dit avoir frôlé la mort à certains points du voyage. Elle dit avoir vu des familles n’ayant pas d’argent pour continuer la route vers les États-Unis d’Amérique. Elle a vendu tout ce qu’elle possédait pour trouver assez d’argent pour pouvoir aller au bout de son odyssée. Qualifiée pour être récipiendaire du statut de protection temporaire (TPS), Guerda a exprimé son entière satisfaction tout en minimisant le montant dépensé pour ce long, périlleux et dangereux voyage.
Tenant compte de ces différents témoignages, le coût moyen par personne pour ce long voyage avoisinerait les 4,000 dollars américain. Ce montant n’inclut pas les pertes ou des cambriolages dont sont assez souvent victimes les migrants durant le trajet. Certains migrants Haïtiens ont fait savoir qu’ils ont été dépouillés de leur argent, de leurs pièces d’identité ou d’autres matériels importants comme leur téléphone portable.
Selon des statistiques fournies par le Service national de migration (SNM) du Panama, plus de 91,000 migrants, pour la plupart des Haïtiens, ont traversé la jungle Darien pour rejoindre les États-Unis, le Canada ou le Mexique. En multipliant le nombre de migrants à avoir effectué la grande traversée par le coût moyen par personne, on obtient le montant total de 364 millions de dollars américain.
Qu’à cela ne tienne! De plus en plus de migrants haïtiens affrontent la jungle mortelle après avoir traversé la frontière entre la Colombie et le Panama.
Les restrictions de visa et les durcissements en termes d’immigration du Panama ne dissuadent pas pour autant les migrants, principalement d’Haïti, de Cuba et du Venezuela, de tout risquer pour se rendre à la frontière américano-mexicaine. Les autorités signalent même une augmentation du nombre de migrants pendant la pandémie de coronavirus.
Ces migrants tenaces, déterminés parcourent les 60 miles de Darién Gap au Panama, une jungle montagneuse dense et sans loi, et traversent la rivière Chucunaque, le plus long fleuve du Panama. Des volontaires de Médecins Sans Frontières rapportent avoir soigné des victimes de viol et des survivants traumatisés hantés par les cadavres en décomposition et les voleurs.
Au bout de ce périple mortel, tous les migrants ne sont pas aussi chanceux que Johnny, Sonson et Guerda. En effet, les autorités américaines ont arrêté plus de 1,7 million de migrants à la frontière américano-mexicaine au cours de l’exercice 2020-2021, le plus grand nombre jamais enregistré, et rapatrié des milliers d’autres en Haïti.
Johnny, Sonson et Guerda sont des noms d’emprunt.

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