Développement durable

 Rôle de la protection sociale dans les interventions d’urgence en Haïti

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Les gouvernements et les partenaires du monde entier reconnaissent de plus en plus l’existence de liens entre la protection sociale et la gestion des risques et désastres (GRD) afin d’atténuer les chocs et y répondre. Étant donné l’augmentation du nombre des catastrophes d’une année à l’autre et de leur intensité croissante, les systèmes de protection sociale en Amérique latine et dans les Caraïbes (pays ALC) ont évolué pour s’élargir rapidement au cours des dernières années. Par exemple, le pourcentage du produit intérieur brut (PIB) alloué à l’investisse- ment social a augmenté de 15 % en 2000 à 19,1% en 2012 (Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes [CEPALC], 2015).

Haïti fait face à des défis de développement majeurs. Non seulement s’agit-il du pays le plus pauvre de l’hémisphère ouest, mais c’est aussi l’un des pays les plus exposés aux catastrophes naturelles dans le monde (Banque mondiale, 2015). Cette situation exige que l’on évalue le rôle de la protection sociale dans les interventions d’urgence en Haïti.

Cette étude de cas s’inscrit dans le cadre plus large de l’Étude sur la protection sociale réactive aux crises dans les pays ALC mandatée par le PAM, et entreprise conjointement avec ce dernier par Oxford Policy Management (OPM). L’objectif de l’étude est de contribuer à la pratique des inter- ventions réactives aux crises dans les pays ALC et de générer des connaissances en vue d’améliorer l’état de préparation et la flexibilité des systèmes de protection sociale nationaux. La question principale de cette étude est la suivante: quels sont les facteurs permettant aux systèmes de protection sociale de mieux répondre aux crises?

Cette question est examinée dans le contexte de l’ouragan Matthew qui a affecté les régions côtières du sud-ouest, et dans une moindre mesure, le nord-ouest d’Haïti, pendant la nuit du 4 octobre 2016, provoquant la plus importante crise humanitaire connue depuis le tremblement de terre de 2010 (BCAH, 2016). Cependant, l’étude envisage également les interventions menées suite à la sécheresse de 2015/2016, pendant laquelle environ 90 % des exploitants agricoles ont perdu leur récolte de printemps/été dans les régions les plus sévèrement touchées (CNSA, 2015), et, dans la mesure du possible, les interventions en réponse au tremblement de terre de 2010. Il est important de souligner que les résultats de cette étude sont tout aussi pertinents qu’il s’agisse de catastrophes naturelles ou de crises économiques et sociales.

Rôle de la protection sociale dans les interventions d’urgence

La protection sociale en Haïti est très fragmentée. Les programmes actuels sont caractérisés par une protection sociale restreinte, et bien souvent ponctuelle, par une couverture géographique limitée ou définie très étroitement, ou encore par leur répartition entre de trop nombreuses institutions (Banque mondiale et al, 2014). Dans l’ensemble, les services de protection disponibles en Haïti sont insuffisants (Lamaute-Brisson 2013; Lombardo 2012).

En ce qui concerne les régimes non contributifs sur lesquels se concentre cette analyse, le programme de cantines scolaires mis en place en Haïti est le principal filet de protection sociale. Il est actuellement mis en place par un panel d’acteurs coordonné par le Programme national des Cantines scolaires (PNCS). De plus, il existe deux programmes de transfert social. La Caisse d’Assistance sociale (CAS), sous la tutelle du MAST, est financée par des prélèvements sur salaire, et Kore Lavi, mis en œuvre par un consortium composé d’Action Contre la Faim (ACF), du Programme alimentaire mondial (PAM) et World Vision (WV), sous la tutelle du MAST également, avec le financement de USAID.

Résultats principaux

État de préparation du système

Actuellement, la capacité du système national de protection sociale d’Haïti à répondre aux crises est encore limitée. Les interventions d’urgence dépendent largement de l’aide humanitaire internationale. La force d’intervention de ce système doit être évaluée à la lumière de ses capacités à fournir une programmation régulière. Le système de protection sociale en Haïti est toujours fragmenté, la protection sociale et les ressources limitées, les systèmes et processus embryonnaires, sans que soit définie une stratégie nationale.

Malgré ces capacités limitées, il existe un intérêt croissant pour rendre la protection sociale plus réactive aux crises en Haïti. Par exemple, Kore Lavi a déjà mandaté une étude visant à proposer des stratégies d’amélioration des capacités d’intervention en cas de crises (voir Zuodar, 2016).

La Direction de la Protection civile (DPC) est responsable de coordonner les activités d’intervention en cas de catastrophe et de promouvoir la gestion des risques. Cependant, compte tenu de l’absence d’un cadre juridique officiel et du nombre d’acteurs impliqués dans l’aide humanitaire, le rôle de leadership de la DPC n’a pas été aussi efficace qu’il le fallait (Grünewald et Schenkenberg, 2016).

L’absence de données exhaustives sur les foyers en Haïti est un obstacle considérable pour appuyer les programmes de développement, d’assistance sociale et d’aide humanitaire. Le MAST héberge actuellement la base de données SIMAST, un registre social exhaustif qui contient des données sur plus de 152 000 ménages représentant environ 7 % de la population haïtienne. Sur le nombre total de foyers enregistrés dans la base de données SIMAST, 18 200 sont également bénéficiaires de Kore Lavi. Simultanément, FAES développe un Registre unique des bénéficiaires (RUB)1 qui  doit  devenir  le  registre  de  bénéficiaires national avec les informations de tous les types de bases de données gouvernementales. Il vise à récolter les données concernant la population, ce qui inclut les données des programmes de protection sociale. Jusqu’ici, les interactions entre ces deux initiatives en vue de rationaliser les efforts de développement ont été limitées.

Il manque une méthodologie de ciblage pour fournir une protection sociale en cas de crise. La méthodologie de ciblage utilisée par Kore Lavi dans le cadre de ses activités régulières, à savoir l’indice de vulnérabilité et de privation d’Haïti (Haiti Deprivation and Vulnerability Index [HDVI]), n’est pas conçue pour les interventions d’urgence et serait d’utilité limitée si on s’en servait à ces fins. La méthodologie de ciblage communautaire mise en œuvre par les agences participant au Groupe de travail sur les transferts monétaires présente un certain nombre de contraintes opérationnelles. D’une manière plus générale, les dernières tentatives d’harmonisation et de standardisation des méthodologies de ciblage communautaire se sont révélées infructueuses.

L’absence d’un système de transferts monétaires est l’un des principaux obstacles à une assistance rapide et multisectorielle en cas d’urgence. Comme nous l’avons décrit ci-dessous, la conception et la mise en œuvre de ces mécanismes de paiement en cas d’urgence sont source de défis, car ils peuvent retarder les interventions et réduire leur efficacité.

En ce qui concerne le financement de la protection sociale réactive aux crises, l’intensification de ces mesures est largement subventionnée par les agences et les donateurs. Il n’existe aucun fonds de prévoyance pour élargir les régimes de protection sociale du gouvernement. Au-delà du secteur de la protection sociale, l’intervention d’urgence et le sauvetage en Haïti sont largement financés par les agences humanitaires, les donateurs et le Fonds CCRIF (Caribbean Catastrophe Risk Insurance Facility). Par exemple, le CCRIF a versé 20 millions et 7,7 millions de dollars US de contributions aux interventions qui ont suivi respectivement l’ouragan Matthew et le tremblement de terre de 2010.

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