Gouvernance

Rôle de la Société Civile dans l’élaboration et la mise en œuvre du Prepoc

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Le tremblement de terre de 2010 n’a pas suffit à nous faire prendre conscience que nous sommes tous égaux face aux désastres naturels et sanitaires, il a fallu attendre malheureusement la COVID-19 pour nous en rendre compte. La COVID-19 a affecté tout le monde d’une manière ou d’une autre et n’a fait aucune discrimination basée sur le sexe ou la situation économique, sociale ou les affiliations politiques ou religieuses. Elle a tiré la sonnette d’alarme et nous a rappelé que nous avons un pays à construire et des citoyens qui attendent de leurs dirigeants qu’ils prennent enfin leurs responsabilités.

Le tremblement de terre de 2010 et la COVID-19 ont affecté tous les citoyens directement ou indirectement, de ce fait, le Plan de Relance Economique Post COVID (Prepoc) doit aussi concerner tous les citoyens et ne peut pas être exclusivement une affaire de l’État.

Prepoc: quel rôle pour la société civile ?

 La société civile (SC) est formée de citoyens et être un citoyen vient avec des droits et des responsabilités. L’une des responsabilités est la participation citoyenne.  Les citoyens ont le droit et la responsabilité de participer aux choses publiques et il incombe à l’État de s’assurer que les conditions sont remplies afin de faciliter cette participation de la société civile aux décisions qui définissent le présent et l’avenir de la nation. Ainsi, la société civile doit jouer pleinement son rôle de «watch dog» (chien de garde). Elle doit jouer son rôle d’observation et de contrôle du pouvoir politique à travers la mise en œuvre du Prepoc.

 Aujourd’hui, l’Observatoire n’a pas la prétention de prendre la parole au nom de la société civile en générale. Nous faisons partie de la SC et nous sommes conscients que la SC n’est pas un groupe homogène mais nous savons aussi qu’au-delà de leurs divergences les Organisation de la Société Civile (OSC) ont pour rôle de créer un impact social dans la vie publique. Nous devons nous assurer que le Prepoc soit notamment accessible à tous et que les citoyens aient accès à des espaces leur permettant d’influencer les décisions qui seront prises dans le cadre de sa mise en œuvre et qui affecteront leur vie dans la cité.

 Pour nous, le concept même de la SC est lié à la bonne gouvernance et comme nous le répétons souvent, la bonne gouvernance est la meilleure voie pour éradiquer la pauvreté, parvenir à la justice sociale et au développement.

 La SC est un acteur clé de la bonne gouvernance  et en tant que tel, elle doit APPUYER (pas dans le sens de donner un chèque en blanc; pas pour légitimer ce qui ne l’est pas, mais pour faire des propositions d’innovation par exemple) MAIS AUSSI ET SURTOUT, elle doit CONTROLER l’État et exiger la redevabilité, la transparence et la prise de décision de manière participative. Le peuple souverain a le droit d’être inclus de manière effective et non cosmétique à la prise de décisions et à la lutte contre la corruption.

La SC doit faire le plaidoyer pour la démystification des processus qui devraient au fait être à la portée de tous comme par exemple s’assurer que les programmes qui découleront du Prepoc soient inclusifs aux groupes les plus marginalisés.  Nous devons nous assurer de la transparence dans la mise en œuvre du Prepoc, de la disponibilité de l’information, de l’accessibilité de l’info (parce qu’elle peut être disponible et pas accessible à tous).  La participation de la SC ne doit pas être une affaire d’élite.

 L’observatoire a cherché le Prepoc sur les sites de l’État et la phrase qui a retenu notre attention est celle-ci sur le site officiel du Ministère de la Communication «Le Prepoc est un ouvrage de 384 pages incluant onze (11) chapitres…». Nous avons pu lire un résumé mais nulle part nous avons trouvé le document complet pour téléchargement. La SC ne peut pas jouer son rôle sans accéder aux informations publiques.

La relance économique concerne aussi bien l’élite intellectuelle, économique que la simple marchande de pain ou de Fresco qui a dû rester confinée pour respecter les consignes de l’État et qui aujourd’hui n’est pas en mesure de payer son loyer, l’écolage de son enfant. Est-ce qu’il y a des versions en créole de ce document? Une version audio pour les non et mal voyants?  Une version en braille? Ils font eux aussi partie de la société civile. Ou encore une version que les enfants puissent comprendre, parce qu’eux aussi, en tant que citoyen aujourd’hui, ils sont concernés par ce plan. Ils ont été nombreux à ne pas pouvoir suivre l’école à distance par manque d’accès à internet? Ils sont eux aussi intéressés à connaitre le plan sanitaire ils soient en mesure comme les autres enfants de jouir de leur droit à l’éducation. Et les jeunes? Pourquoi est ce que l’État n’utilise pas les réseaux sociaux pour vulgariser auprès des jeunes les informations relatives au Prepoc ?

Nous sommes tous concernés par la relance économique… cette relance qui tarde à prendre son envol depuis des décennies… catastrophes après catastrophes. Le coût du Prepoc est estimé à 347.9 Milliards de gourdes, soit environ: 76.65% de financement et 23.35% de fonds propres du trésor public. Les jeunes doivent exiger une transparence dans la gestion de ces engagements à long terme. Le pays a besoin d’une bonne stratégie pour relancer l’économie, cependant, l’Observatoire reste sceptique par rapport à la capacité de l’État à mobiliser ces ressources.

L’État a besoin de la société civile représentative des intérêts de la collectivité pour avancer et pour bien avancer dans la mise en œuvre du Prepoc. La SC n’est ni l’adversaire ni une rivale de l’État. La participation de la SC dans la gestion du financement ne doit pas se limiter à sa participation physique à des réunions après la prise de décisions, elle ne doit pas jouer un rôle de figurant mais doit vraiment jouer son rôle de watch dog, de chienne de garde paske comme disent les haïtiens et haïtiennes nos frères et sœurs «Se pa lè kabrit la fin pase pou n rele fèmen baryè»

En résumé, la société civile doit participer aux prises de décisions à toutes les phases; Exiger la transparence, la redevabilité, la disponibilité et l’accessibilité de l’information et s’assurer qu’elle représente les intérêts de la société en générale de façon non partisane.

DevHaiti