S’achemine-t-on vers une troisième année consécutive de contraction de l’économie haïtienne?

Victime de chocs politique et sanitaire au cours des deux dernières années, l’économie haïtienne n’a pas cessé de se contracter causant ainsi des pertes continues d’emploi et la réduction de revenus au niveau des familles. En effet, le produit intérieur brut (PIB) a accusé une chute de plus de 2% en moyenne en 2020 et en 2021. Ceci a donné lieu à l’aggravation de la situation sociale du pays déjà critique au cours des dernières décennies. Les taux de pauvreté et d’extrême pauvreté ont dégringolé pour franchir les seuils de 60 et 25 % respectivement. Une telle situation ne peut que contribuer à accroître les tensions sociales provoquant ainsi la détérioration continue de l’environnement des affaires et décourageant les investissements privés tant nationaux qu’internationaux dans l’économie haïtienne.
L’analyse de la situation économique et financière au cours du premier semestre de l’exercice fiscal 2020-2021 ne laisse présager une reprise des activités au cours de l’année 2021. La crise politique, exacerbée par la position radicale des partis politiques de l’opposition ayant constaté la fin du mandat de Président de la République de laisser le 7 février dernier, a impacté de façon négative la consommation et les investissements privés dans l’économie. La collecte des ressources domestiques, prévue à quelque 11 milliards de gourdes par mois dans le décret budgétaire établi par le gouvernement, a été également affectée. Le faible niveau des recettes fiscales n’a pas réussi à dissuader les autorités financières à limiter les dépenses publiques.
L’accroissement continu du déficit budgétaire, estimé à plus de 30 milliards de gourdes, au cours des six premiers mois de l’exercice en cours (octobre 2020 – mars 2021), a créé une certaine pression sur la Banque centrale pour le financement interne. La forte création monétaire qui en a résulté, a empiré non seulement la dette de l’Etat dont le service a atteint un niveau préoccupant dans le budget de la République, mais aussi a alimenté les pressions sur le marché des changes avec une dépréciation continue de la monnaie locale par rapport aux devises internationales. Ainsi, de fortes pressions inflationnistes sont maintenues dans l’économie haïtienne avec un taux proche du niveau de 20%, diminuant substantiellement le pouvoir d’achat des familles.
Avec plus de 4 millions d’Haïtiens en situation d’urgence humanitaire sur l’ensemble du territoire national, selon un récent rapport de l’ONU, la situation socio-économique est de plus en plus précaire. Cette situation ne devrait aucunement favoriser une certaine amélioration de l’environnement des affaires nécessaire pour replacer l’économie sur la voie de la croissance. En outre, la non résolution de la crise politique et les projets d’organisation d’un référendum pour modifier la Constitution et des élections générales d’ici la fin de cette année représentent d’importants défis autant politiques que financiers pour l’équipe au pouvoir.
En tenant compte de la prochaine saison cyclonique (1er juin – 30 novembre 2021) dans la liste de risques confrontés par le pays durant les prochains mois, on peut aisément se rendre à l’évidence que la probabilité d’atteindre une croissance du PIB de plus de 2 % pour l’année 2021, prévue par le gouvernement en début d’exercice, est extrêmement faible. Une dégradation de la situation socio-économique est donc inévitable pour la troisième année consécutive.
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