Éditorial

Santé, budget, environnement et l’effet Covid-19 en Haïti

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L’effet Covid-19 n’aura pas été totalement négatif.
En Haïti, il a eu pour conséquence de doper de 285% l’enveloppe allouée au Ministère de la Santé (MSPP) en monnaie nationale dans le budget 19-20, inversant ainsi la tendance baissière ayant caractérisé le secteur santé depuis 2004.

Des rapports de diverses institutions internationales (Banque mondiale, OPS/OMS) nous ont pourtant alerté du danger que représente de telles coupes dans les dépenses publiques pour la santé de la population.Sans être une Cassandre, il était aisé de prédire que notre système de santé sous-financé et sous-équipé, à la moindre épidémie, nous laisserait aux bons soins du “Bon Dieu”.
Si la pandémie n’a pas encore provoqué une hécatombe à ciel ouvert en Haïti, ce n’est pas grâce à la performance de notre système de santé.

Par ailleurs, la fermeture des frontières comme étant l’une des réponses au nouveau coronavirus aura conscientisé chaque dirigeant de cette planète sur l’importance d’investir durablement dans des infrastructures sanitaires modernes et efficaces.
Avec les fragilités et les manques du système sanitaire national actuel, mis à nu par la pandémie, il est évident que penser à le maintenir tel quel n’est plus une option.
Nous ne pouvons que prier pour que nos dirigeants retiennent la leçon et décident enfin de consentir des investissements durables à ce secteur après la fin du coronavirus.

Hasard du calendrier : l’adoption du budget 19-20, le 5 juin 2020 en conseil des ministres, coïncide avec la journée mondiale de l’Environnement célébrée cette année autour du thème la biodiversité.
Haïti s’est joint à cette célébration mondiale à grand coup de communiqués de presse et de déclarations émanant des officiels et des acteurs de la société civile.
Le besoin de rupture dans la tendance de toujours traiter le Ministère de l’Environnement (MDE) en parent pauvre dans le budget n’a jamais été aussi prononcé.

Que 7,2 milliards de gourdes soient allouées au confort d’une centaine d’élus du Parlement contre 6 milliards de gourdes pour la santé de 11 millions d’haïtiens dans le précédent budget, ou encore que plus de 20 fois le budget du MDE soit alloué aux subventions de l’EDH et des produits pétroliers (25 milliards de gourdes pour ces subventions contre 1,2 milliard de gourdes pour le MDE) dans l’actuel budget, cela en dit long sur les priorités de nos dirigeants en matière de développement.

Faudra-t-il attendre qu’une catastrophe environnementale de l’ampleur de Covid-19 survienne pour que nos dirigeants se rendent enfin compte de l’impérieuse nécessité d’allouer davantage de ressources à la protection de l’environnement ?
Avec l’ouverture le 1er juin dernier de la saison cyclonique dans l’Atlantique, une telle probabilité n’est pas à exclure. En octobre 2016 par exemple, c’est l’équivalent de 25% de notre PIB qui a été emporté par l’ouragan Matthew.

Le choc économique résultant du passage récurrent des ouragans comme Matthew continue encore de peser lourd dans la balance du développement et place les Objectifs de développement durable pratiquement hors d’atteinte pour Haïti. Au lendemain de la crise sanitaire du coronavirus, il faudra au MDE beaucoup plus que 0,6% du budget national pour garantir à la jeune population haïtienne un avenir plus juste, plus écologique, plus résilient et plus inclusif.

DevHaïti